Un logiciel au service d’une bonne cause
Les logiciels RH ont longtemps servi un objectif très clair : faciliter les processus internes. Appuyés par un peu de fintech et/ou d’IA, ces outils visent pourtant de plus en plus à soutenir des intérêts sociaux, comme apporter davantage de bien-être ou simplifier l’inclusion. (Wouter Temmerman)
L’intérêt que portent les entreprises aux logiciels dédiés au bien-être de leurs collaborateurs n’a rien de surprenant. Ces outils aident les sociétés à créer un environnement de travail qui offre aux travailleurs la possibilité d’évoluer pleinement, tout en augmentant leurs chances de conserver les talents et d’éviter les départs. C’est à partir de ce constat que l’entreprise de technologie Dstny a décidé de s’attaquer, il y a presque cinq ans, au besoin croissant d’avoir une meilleure vision sur le bien-être et l’engagement des travailleurs. « À la suite d’une succession de rachats et d’une croissance rapide, le PDG Daan De Wever a remarqué qu’il était en train de perdre son capital humain », explique Jonas Geleyn, PDG de la plateforme de données RH Vitaminsatwork qui permet aux entreprises de surveiller le bien-être et l’engagement au travail. « Les bases de notre plateforme ont alors été posées, sous la forme d’un fichier Excel qui devait évaluer le bien-être et l’engagement des collaborateurs. » Depuis, Vitaminsatwork s’est développée pour devenir une entreprise indépendante avec un capital initial de 900.000 euros et entièrement concentrée sur la commercialisation de son logiciel RH.
Machine learning
La jeune entreprise a ajouté à l’idée de base de Dstny quelques fonctionnalités intéressantes qui utilisent l’IA. Vitaminsatwork cartographie non seulement l’expérience au travail des collaborateurs mais fournit également aux employeurs des informations stratégiques prédictives. L’entreprise génère des données via différentes listes de questions qui visent à obtenir le ressenti des travailleurs. Le modèle sous-jacent génère des rapports automatiques pour le travailleur et l’employeur. « Par le biais du machine learning, nous étudions les liens uniques entre les caractéristiques personnelles et professionnelles, et fournissons des recommandations à partir de notre modèle », explique Jonas Geleyn. « Par exemple, pour ce qui est de la capacité à travailler en autonomie, nous fournissons non seulement une description des résultats mais recherchons également le lien entre le travail autonome et le descriptif du poste. »
Vitaminsatwork a fondé son modèle d’après les études scientifiques sur le stress et la motivation au travail, menées par Bert Schreurs, professeur en gestion RH à la VUB et à la Solvay Business School. « Nous pouvons indiquer à un employeur ce qu’il se passerait s’il n’intervenait pas dans le cadre d’une situation particulière, ce qui lui permet de réagir de manière proactive pour optimiser l’expérience au travail de ses travailleurs. Nous voulons donner aux chefs d’entreprise les moyens d’améliorer l’environnement de travail. Cela se traduit par un lieu favorisant le dynamisme et la motivation des collaborateurs, deux termes que l’on utilise également pour désigner le bien-être et l’engagement. Il est plus facile de conserver dans son entreprise des personnes dynamiques et motivées. En outre, cette atmosphère se reflète dans votre politique de recrutement et vous aide à attirer les nouveaux talents. Les entreprises peuvent également, via notre plateforme, démontrer dans leurs rapports ESG leur engagement pour atteindre les aspects sociaux liés à l’objectif de durabilité. »
Demande de versement du salaire
Parmi les logiciels RH à dimension sociale, nous avons aussi scudi. Sur le plan international, un système tel que scudi est connu sous le nom d’earned wage access, un service financier proposé par les employeurs à leurs travailleurs qui permet à ces derniers d’obtenir un pourcentage du salaire acquis avant la fin du cycle de rémunération en cours. « Ce n’est pas parce que la loi prévoit le versement des salaires à la fin du mois, ou, pour les ouvriers, deux fois par mois, que vous êtes obligé, en tant qu’employeur, d’attendre ce moment-là pour le faire », affirme Rie Sordo-De Cock, le PDG de scudi. La société a donc développé une plateforme permettant aux employés de recevoir un paiement anticipé du salaire ainsi qu’une application sur laquelle ils peuvent demander au maximum 50 % de leur salaire net avant le jour de paie habituel.
Contrairement au système plus contesté du early wage access, l’earned wage access n’applique pas de frais d’intérêts cachés pour les travailleurs. Des systèmes similaires sont disponibles sur le marché dans plus de 100 pays déjà à travers le monde, mais la Belgique a pris un peu de retard en la matière. Scudi veut accueillir ses premiers clients dans notre pays cet automne. « Avec ce logiciel, je voudrais soulager les personnes qui se retrouvent dans le cercle vicieux de l’endettement. Plus de la moitié des gens ayant des problèmes de dettes déclarent avoir dû prendre un crédit avec des taux d’intérêts bien trop élevés, principalement en raison de frais imprévus. S’ils avaient pu alors avoir accès à une partie de leur salaire, ils ne se seraient pas retrouvés dans une telle situation. » Rie Sordo-De Cock évoque l’importance d’avoir intégré les mesures de sécurité nécessaires. « Notre algorithme intègre une analyse comportementale. Si l’application identifie un utilisateur comme étant vulnérable, qui demande par exemple des avances en permanence, celui-ci reçoit un lien vers le système d’aides financières officiel. »
Inclusion
L’avantage de l’earned wage access est une évidence pour les travailleurs, mais en quoi est-ce intéressant pour les employeurs ? Cela ne bouleverse-t-il pas leurs prévisions en matière de liquidités ? « Les liquidités ne posent jamais de problème », affirme Rie Sordo-De Cock. « Seuls 15 à 25 % des travailleurs utilisent ce service et ils ne demandent pas tous le versement des 50 % maximum du salaire net, mais plutôt un montant tournant aux alentours de 30 %. »
Selon scudi, ces avantages ont plutôt un caractère social, engendrant moins d’absentéisme et moins de frais. D’après Rie Sordo-De Cock, un earned wage access est pour les employeurs un service qui s’inscrit parfaitement dans le cadre de la réalisation des objectifs ESG. « L’inclusion est un objectif essentiel parmi les enjeux sociaux de la durabilité, le « S » de ESG. Ce système offre une certaine sérénité, à ne pas sous-estimer sur le plan social. En outre, cela évite de transmettre aux enfants l’idée qu’ils devront se limiter à un poste de col bleu. L’élimination de la pression financière préserve le niveau de motivation et rend les familles plus fortes. »
Cet article est paru dans le Top 5.000, qui est disponible en PDF.