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Transport – Les défis aux yeux des Fédérations sectorielles

Le secteur du transport routier poursuit sa croissance malgré la crise. Même si le nombre de faillites a augmenté l’année dernière. Mais il y a bien d’autres difficultés encore. Le secteur peine notamment à trouver des chauffeurs. Nous avons discuté de tous ces sujets avec la Fédération royale belge des transporteurs et des prestataires de services logistiques (Febetra), la fédération nationale UPTR, le Fonds social Transport et Logistique (FSTL) et Transport en Logistiek Vlaanderen (TLV). (Matthias Vanheerentals)

Malgré la crise, le nombre d’entreprises de transport en Belgique augmente. En 5 ans, il a grandi de 2.000 unités. « En 2022, ce chiffre a encore progressé de 3 % », explique Isabelle De Maegt, porte-parole de la Fédération royale belge des transporteurs et des prestataires de services logistiques (Febetra). « Beaucoup de petites et nouvelles entreprises se sont créées. Depuis 2021, nous avons passé le cap des 10.000, un nombre record depuis 20 ans. » Transport en Logistiek Vlaanderen (TLV) confirme que le secteur a poursuivi sa croissance en 2022. « Nous avons encore observé une augmentation l’année dernière », explique son directeur, Lode Verkinderen. « Il y a bien eu une hausse des faillites au quatrième trimestre, qui a atteint un niveau que nous n’avions plus connu depuis 10 ans. Et avec le changement d’année, nous percevons des signes d’une baisse de la demande. Un cocktail dangereux pour de nouveaux dépôts de bilan. »

Inflation

Selon Transport en Logistiek Vlaanderen, cette tendance à la hausse des faillites est due à l’inflation. « C’est notre principal souci pour 2023 », indique Lode Verkinderen. « Les frais de transport ont augmenté d’au moins 13 %. Les coûts salariaux y sont pour beaucoup. À un certain moment en 2022, les meilleures clauses contractuelles pour le diesel n’ont plus suffi à préserver la marge du transporteur à cause des hausses trop rapides des prix. Cette année, il faudra absolument répercuter cette augmentation. J’espère que les entrepreneurs font ce qu’ils doivent pour garantir leur survie. C’est-à-dire se montrer cohérents et facturer ces suppléments. » Febetra s’inquiète tout autant de l’explosion des prix à la pompe. « Lorsque la guerre a éclaté en Ukraine, le coût du transport a augmenté de manière exponentielle, avec une moyenne de 11 % », précise Isabelle De Maegt. « L’envol des prix du gaz aussi a touché notre secteur. Beaucoup d’entreprises ont investi dans des véhicules au GNL à la demande de leurs clients. Or ceux-ci roulent de moins en moins à cause du tarif du gaz. »

Febetra constate que la concurrence étrangère reste tout aussi importante, malgré l’élévation des coûts et le renforcement des règles de cabotage. « Les camions étrangers roulent toujours autant en Europe et dans notre pays », explique Isabelle De Maegt. « En 2021, 53,4 % des recettes de la taxe kilométrique belge provenaient de ces camions. En 2022, cette part était de 53,3 %. Le Mobility Package devait rétablir un certain équilibre, mais il n’a eu aucun effet. »

Tendance verte

L’écologisation de flotte reste un sujet brûlant pour le secteur du transport. Transport en Logistiek Vlaanderen remarque pour la première fois l’émergence de clients disposés à payer plus dans ce but. « Contrairement au consommateur qui refuse de débourser le moindre cent pour notre écologisation, certaines entreprises acceptent un supplément pour un transport vert », indique Lode Verkinderen. « Ce sont avant tout des entreprises cotées en bourse qui optent en nombre croissant pour le choix le plus écologique, donc pas le meilleur marché. Elles savent que ce choix a un prix. Pour un camion électrique avec 0 % d’émissions de CO2, le tarif augmente de 30 à 50 %. C’est un signal important et porteur d’espoir qui, s’il se transforme en tendance réelle, rendra possible la décarbonation de notre secteur. Même si je pense que ce processus prendra encore au moins 10 à 15 ans. Le chemin s’annonce long et semé d’embûches. La voie vers des camions zéro émission est elle aussi très longue. Et beaucoup plus difficile que pour le transport des personnes à cause de la capacité de charge et de l’autonomie. »

Selon Ronald Tiebout, conseiller juridique et porte-parole de l’UPTR, les camions électriques actuels ne répondent pas encore tout à fait aux attentes. « Leur faisabilité technique reste limitée, tout comme la distance qu’ils peuvent parcourir. » Febetra estime que l’écologisation sera un mélange de mesures. « Je pense notamment au carburant synthétique, mais aussi à l’hydrogène pour les plus longs trajets », précise Isabelle De Maegt. « Les modèles électriques reviennent beaucoup plus cher. L’infrastructure de recharge exige des investissements et il faut se demander si le réseau électrique tiendra. »

Pénurie de chauffeurs

Toutes les fédérations s’accordent à dire que la pénurie de chauffeurs est l’un de leurs principaux problèmes. « À l’échelle européenne, il en manque 400.000 », affirme Lode Verkinderen. « Aucune autre profession n’a des travailleurs plus âgés et cela annonce des difficultés à court terme. » Febetra abonde dans le sens de TLV. « Nous avons en Belgique 5.000 offres d’emploi qui ne trouvent pas preneurs », dit Isabelle De Maegt. « Nous ne pouvons pas répondre à la demande. L’avantage par contre, c’est que nous augmentons plus facilement nos tarifs pour la hausse du prix du diesel. » L’UPTR admet les difficultés. « Avant, nous recrutions principalement en Europe », indique Ronald Tiebout. « Mais ce vivier est désormais vide. Nous devons de plus en plus faire appel à des chauffeurs extraeuropéens, notamment turcs ou marocains. Le nombre de demandes augmente fortement. » Il y a un an, le Fonds social Transport et Logistique (FSTL) a lancé le projet Future Drivers pour attirer des candidats d’autres secteurs. Une centaine peut suivre gratuitement une formation de chauffeur poids lourd. « Ces personnes représentent une main-d’œuvre potentielle », affirme Geert Heylen, directeur Formation au FSTL. « Nous assumons le coût de la formation (environ 8.000 euros par personne), même si le participant décroche en cours de route. »

Le secteur du transport met tout en œuvre pour rendre la profession plus attrayante. Avec l’indexation, le salaire a déjà progressé de 10,9 %. Une classification des fonctions a été récemment introduite pour le personnel roulant ainsi qu’un nouveau mode de rémunération. « Le salaire n’est plus calculé selon le type du véhicule mais tient compte de 10 critères, notamment les adresses de livraison, le permis de conduire, l’effort physique et le savoir requis », précise Ronald Tiebout. « Un accord a aussi été passé il y a peu pour flexibiliser le travail de week-end, si bien que les chauffeurs peuvent gagner plus en peu de temps. »

Un réseau routier pour le fret

La mobilité aussi impose de grandes exigences. Les fédérations du secteur remarquent qu’un nombre croissant d’administrations locales refusent les camions. « Les autorités locales tiennent à institutionnaliser le syndrome NIMBY (Not In My Back Yard) », explique Lode Verkinderen. « Les différentes régions de transport mises en place par le gouvernement rejettent les poids lourds, sur les routes comme sur les parkings. Le monde politique local connaît mal le transport de marchandises par camion. Des panneaux comme «Interdit aux 3,5 t» ont un gros impact sur les opérations. La sécurité est primordiale, c’est sûr. Les détours augmentent les coûts et les émissions de CO2. Sans parler des conséquences sur les temps de conduite et de repos. Les administrations locales sous-estiment l’importance de notre secteur. Le transport routier de marchandises reste indispensable, il est irremplaçable. Nous représentons 75 % du marché depuis des décennies. C’est très stable, malgré tout le soutien accordé à d’autres modes de transport comme le rail et la navigation intérieure. »

Febetra ne dit pas autre chose. « On nous annonce un réseau routier pour le fret, mais sans aucune garantie de fluidité », explique Isabelle De Maegt. « Nous avons trop peu de parkings. On nous écarte toujours plus des villes. Ce n’est pas facile pour les entreprises. Alors que la demande de transport ne fera qu’augmenter. Pour le secteur routier, elle aura progressé de 20 % à l’horizon 2040 par rapport à 2015 selon les chiffres du bureau du plan. Tous les modes de transport (navigation intérieure, rail et route) seront nécessaires pour y répondre. »


Cet article est paru dans le Top Transport qui est disponible en PDF.

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