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Top Industrie - Chimie & Sciences de la vie - Période charnière

L’année 2020 peut être qualifiée d’annus horribilis pour de nombreux secteurs, mais il en a été autrement pour le secteur chimique et incontestablement pour le secteur pharmaceutique de notre pays. Pour ces deux industries, la pandémie de coronavirus pourrait être un moment décisif, et ce pour plusieurs raisons. (Filip Michiels)

Une analyse des statistiques européennes par la fédération sectorielle essenscia démontre que nulle part ailleurs dans l’Union Européenne, les secteurs chimique et pharmaceutique n’investissent autant dans la recherche et le développement (R&D) que dans notre pays. Jamais peut-être dans l’histoire, les résultats concrets de ces recherches n’ont été aussi attendus : pensons notamment aux vaccins contre le coronavirus pour lesquels la Belgique joue un rôle clé. Pfizer Puurs, Janssen Pharmaceutica, Novasep pour AstraZeneca ou encore GSK pour l’adjuvant de Sanofi entre autres. Tant en termes de développement que de production. « Ces dernières années, la réputation de l’industrie pharmaceutique a souvent été mise à mal. Aujourd’hui, cette perception semble avoir été résolument inversée. Nous réalisons soudain à quel point nous sommes vulnérables et à quel point une médication de pointe peut réellement faire la différence », déclare Yves Verschueren, administrateur délégué de la fédération sectorielle essenscia. « La production de ces médicaments ici, dans notre propre pays, démontre également que la valeur ajoutée économique de toute cette recherche – autrement dit, l’emploi – reste largement dans notre pays. »

Fin 2019, le secteur chimique et pharmaceutique représentait 94.000 emplois directs et 220.000 emplois indirects en Belgique, soit 5.000 de plus qu’il y a quatre ans. « Dans les secteurs de la chimie et de la pharmacie, notre investissement en matière de recherche et d’innovation est toujours valorisé via de nouveaux emplois et des améliorations dans les processus de production », explique Yves Verschueren. « Kaneka Eurogentec a reçu au mois de juillet l’accréditation GMP (Good Manufacturing Practice) pour son installation de pointe pour la production à grande échelle de médicaments de nouvelle génération. La biotech liégeoise a depuis conclu des accords avec INOVIO et AnGes pour la fabrication de candidats vaccins à ADN contre la Covid-19. L’entreprise prévoit d’engager 80 nouveaux collaborateurs. Des centaines de postes sont également à pourvoir au BioPark de Charleroi où notamment les biotechs MaSTherCell (rachetée par Catalent), Novasep et Univercells se développent largement. Un autre acteur historique biopharmaceutique en Belgique, GSK, a annoncé au mois de décembre un investissement de près de 100 millions d’euros pour consolider ses activités de recherche et développement sur son site de Rixensart. Dans le secteur des polymères, Armacell à Thimister-Clermont a également marqué 2020 par le début des travaux d’agrandissement de sa zone de production de mousses PET (Polytéréphtalate d’éthylène), produites à partir de plastiques recyclés à 100 %. Ce type de projets innovants démontre aussi très bien combien il est important d’ancrer ici nos outils de production de manière durable. La FEB a d’ailleurs décerné le premier prix à L’Oréal Libramont pour son usine sèche à l’occasion des Belgian Business Awards for the Environment. Depuis 2019, L’Oréal Libramont dispose d’une boucle de recyclage complète des eaux grâce à l’installation d’un évapoconcentrateur. Mais nous ne devons pas nous reposer sur nos lauriers : des pays comme la Chine misent aujourd’hui fortement sur l’innovation. La concurrence mondiale dans ce secteur continue à se développer, nous devons donc vraiment faire notre possible pour maintenir à flot le gigantesque outil de production dont nous disposons en Belgique. »

Ancrage industriel

En partie grâce à cet ancrage industriel indispensable, 2020 pourrait bien entrer dans l’histoire comme une année charnière pour le secteur pharmaceutique et chimique. « D’une part, parce qu’il est à espérer que l’Europe ait réalisé au cours de l’année écoulée que ce continent continue d’avoir besoin d’une base industrielle solide », relève-t-il. « La pandémie du coronavirus a clairement mis le doigt sur la plaie à cet égard : tout le monde se rend compte maintenant qu’il n’est pas bon de dépendre de pays comme la Chine ou l’Inde pour tout, que ce soit pour les masques buccaux ou encore les vaccins. Nous avons besoin d’une certaine autonomie stratégique, et pour ce faire il est indispensable de pouvoir compter sur une présence industrielle minimale ».

L’année dernière pourrait également s’avérer particulièrement cruciale pour d’autres raisons. Pour la première fois depuis de nombreuses années, la discipline budgétaire européenne presque légendaire a été complètement abandonnée en 2020. « Selon moi, c’est aussi assez historique, notamment parce que l’Europe a aussi décidé de s’engager réellement dans la reconstruction économique verte et durable. L’UE met désormais également à disposition les ressources financières nécessaires pour y parvenir. Je pense que cette décision aura un impact énorme sur notre secteur. Nous avons toujours mis en garde contre le coût qu’une transformation radicale de l’économie et de la société nécessiterait, mais le budget que l’Europe alloue désormais au green deal pourrait permettre d’accélérer radicalement la transition énergétique et climatique ».

En comparaison avec la plupart des autres secteurs industriels, les industries chimiques et pharmaceutiques de notre pays ont jusqu’à présent assez bien résisté à la pandémie. Au plus fort de la pandémie mi-avril, le nombre de demandes de chômage temporaire représentait 17 % de l’emploi total dans le secteur. A cette même période, la moyenne de l’industrie était de 46 %, soit près de la moitié de l’emploi. Fin septembre, le chômage temporaire dans le secteur chimique et pharmaceutique affichait un peu moins de 4 %, alors que dans la plupart des autres secteurs, ce pourcentage était encore de 10 % ou plus. Au niveau international, la chimie a également été parmi les secteurs les moins touchés : entre janvier et septembre 2020, la production du secteur chimique dans l’UE était inférieure de 4,4 % à celle de la même période en 2019. En comparaison, la production de l’industrie métallurgique a chuté de 13,4 % et celle du secteur automobile de 28 %. « En fait, nous n’avons pratiquement pas perdu d’emplois, tout au plus avons nous dû mettre un nombre relativement limité de salariés au chômage temporaire », indique Yves Verschueren. « Mais je ne m’attends pas à des pertes d’emplois vraiment importantes à long terme. Il y a effectivement encore un certain nombre de solides investissements en cours dans notre pays même si nos entreprises ressentent également l’impact économique de la crise du coronavirus. Les résultats pour 2020 seront en effet nettement inférieurs ».

Capture du CO2

Les ambitions climatiques européennes, telles que présentées dans le green dealeuropéen au début de l’année 2020, sont très ambitieuses. D’ici 2030, l’UE veut réduire les émissions européennes de CO2 de 55 %. D’ici 2050, le continent devrait même être complètement neutre sur le plan climatique. Ces ambitions européennes seront-elles réellement faisables ? Nous le verrons. Dans notre pays, le secteur chimique notamment devra redoubler d’efforts pour y parvenir. « Nous partageons cette ambition mais nous devons également être réalistes », reconnaît Yves Verschueren. « Pour parvenir à réaliser ces objectifs démesurés, l’Europe devra trouver plus d’argent pour pouvoir investir encore plus largement dans la recherche et le développement. Ensuite, nous devrons également adapter complètement l’ensemble de nos outils de production ».

Bien que l’industrie chimique soit un secteur clé pour l’économie belge – représentant un chiffre d’affaires de 65 milliards d’euros et un tiers des exportations totales en 2019 – le secteur est également responsable de quelque 10 à 15 % des émissions totales de CO2 en Belgique. Ces dernières années, le secteur a déjà largement investi pour réduire ses émissions mais pour parvenir à les restreindre encore davantage, d’autres investissements majeurs seront nécessaires au cours des dix prochaines années.

On n’a rien sans rien, surtout dans un marché mondial très compétitif, mais il faut aussi des technologies innovantes. L’année dernière, la Belgique a comptabilisé de nombreuses bonnes nouvelles dans ce domaine. Par exemple, les ports d’Anvers et de Gand travaillent à des projets très ambitieux de capture, de liquéfaction et de stockage (CCS, Carbon Capture and Storage), voire de réutilisation (CCU, Carbon Capture and Utilization) du CO2 industriel, qui est largement présent dans les zones portuaires. En 2020, le captage et le stockage du CO2 figure parmi les solutions les plus prometteuses dans la transition vers une industrie climatiquement neutre en 2050. Le port d’Anvers s’est engagé à réduire de moitié les émissions de CO2 dans le port d’ici 2030 grâce à cette technologie.

Terre d’essai idéale

« Notre pays devient l’un des précurseurs mondiaux de cette technologie prometteuse, mais je n’oserais pas encore parler d’un succès accompli », indique Yves Verschueren. « Il s’agit d’un investissement considérable et je suppose que la réelle avancée ne pourra avoir lieu que lorsque les ressources financières nécessaires seront sur la table. L’Europe met aujourd’hui beaucoup de moyens à disposition pour le green deal. Cette solution figure donc parmi les projets qui peuvent réellement faire bouger les lignes dans ce domaine. Nos ports sont également des lieux appropriés pour tester cette technologie, précisément parce qu’ils comptent de nombreuses entreprises industrielles au sein d’un cluster. En parallèle, il faut surmonter une certaine opposition idéologique : le CO2 capturé est d’abord stocké sous terre dans des gisements épuisés de gaz. Certains sont contre ce principe. Mais d’une manière ou d’une autre : si vous voulez réduire les émissions de CO2 rapidement et de manière drastique, le stockage du CO2 est une technologie cruciale et nécessaire en tant qu’étape intermédiaire temporaire vers la réutilisation totale du CO2. »

Le géant chimique Ineos a apporté une autre bonne nouvelle pour le secteur il y a quelques mois. Il a reçu au printemps un permis d’environnement pour la construction de deux installations chimiques dans le port d’Anvers. Le coût estimé de ces installations : entre 3 et 5 milliards d’euros, soit l’un des plus importants investissements de ces dernières décennies à l’échelle européenne. Mais pour l’instant, un certain nombre d’organisations environnementales continuent à s’opposer à ce projet, en partie parce qu’elles ne sont pas d’accord avec le déboisement prévu pour la nouvelle usine. « Tout à fait incompréhensible », commente essenscia. « Ineos construit sur une zone industrielle au milieu du port et apporte à Anvers la technologie la plus avancée qu’il soit, avec à la clé plus d’efficience énergétique et moins d’émissions de CO2. Cette usine pourrait vraiment contribuer directement aux ambitions environnementales de l’Europe, élevant ainsi un peu plus le niveau de référence international dans ce domaine. A long terme, cela nous permettrait également d’évincer du marché un certain nombre d’usines moins durables en Europe. »

 

Cet article est paru dans le Top Industrie, qui est disponible en PDF.

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