Secteur des boissons : la consommation glissera partiellement de l’horeca vers le foyer
Vous êtes le plus grand distributeur de boissons indépendant de Belgique, mais votre chiffre d’affaires a chuté de 40% à cause de la pandémie. Comment réagir dans une telle situation ? « Nous y avons vu une opportunité. Nous avons accéléré la digitalisation de notre société, en particulier la logistique », répondent Michel et Paul Haelterman, la troisième génération d’administrateurs délégués de l’entreprise familiale. (Wolfgang Riepl)
Dans le dépôt, les caisses, les casiers, les fûts de bière et autres boissons s’empilent sur plusieurs mètres. Michel (62), son frère Paul (59) et le fils de ce dernier Eric (27) Haelterman posent pour les photos. Un chauffeur, affairé aux commandes de son chariot élévateur, chargé de palettes et de marchandises, patiente quelques instants avant de repartir en marche arrière. « Venez voir comment Eric pose pour la photo », plaisantent les collègues.
Eric Haelterman a rejoint l’entreprise familiale en juin 2020, au cœur de la pandémie. Avec lui, c’est la quatrième génération qui entre dans la société gérée par Michel et Paul. Chargé auparavant d’analyser les prix chez le géant de l’énergie ExxonMobil, Eric a poursuivi la digitalisation de la logistique du groupe Haelterman pendant la pandémie. Depuis début mars, il occupe une fonction commerciale. Les enfants sont les bienvenus au sein de l’entreprise à condition d’être trilingues, de posséder un diplôme universitaire et d’avoir acquis une expérience professionnelle sous d’autres cieux. « Eric fait le tour de la société. Il doit en apprendre tous les rouages », explique son père Paul. « Nous voulons préparer notre succession paisiblement et efficacement. Nous sommes heureux de l’intérêt et de la passion d’entreprendre manifestés par la prochaine génération de notre entreprise familiale. »
« Du jamais-vu »
Le grand-père Albert Haelterman a fondé l’entreprise en 1931. Désormais, le groupe Haelterman est le plus grand distributeur de boissons indépendant du pays. La société approvisionne 3.000 clients : essentiellement dans l’horeca, mais aussi des restaurants d’entreprise, des hôpitaux et maisons de repos, des CPAS et des écoles. L’entreprise a donc été frappée de plein fouet par la pandémie. « En temps normal, notre principale filiale Horeca Logistics Services SA réalise 92% de son chiffre d’affaires dans l’horeca. Les 8% restants couvrent les hôpitaux et les maisons de repos auxquels nous livrons uniquement de l’eau. Pendant la COVID-19, HLS a donc pratiquement été mise à l’arrêt », soupire Michel Haelterman. « Je travaille ici depuis plus de 40 ans et je n’avais encore jamais vu cela. Et mon père encore moins. Nos 50 camions sont tous restés paralysés sur le parking de l’entreprise pendant des semaines. »
Pourtant, à aucun moment les deux frères n’ont cessé d’y croire. « Non. Jamais. La situation est devenue une opportunité », dit Paul Haelterman. « Nous avons accéléré la digitalisation de l’entreprise. Nous avons lancé un site internet pour les particuliers. Le personnel a suivi des formations supplémentaires. Sans la COVID-19, nous aurions tout fait plus tard. Cela n’a pas été facile évidemment. Du jour au lendemain, 300 personnes ont été placées en chômage économique. Il a fallu communiquer intensivement et encourager les effectifs. Nos collaborateurs sont des personnes extrêmement sociables. Ils ont besoin de contact. »
Dépôts entièrement numériques
Parmi les piliers figure la digitalisation accélérée du dépôt. Une mission confiée en grande partie au représentant de la quatrième génération, Eric Haelterman. Les frères Michel et Paul, de la troisième génération, admettent volontiers qu’ils sont beaucoup moins compétents en la matière. « La gestion de notre dépôt était certes déjà fortement digitalisée, mais nous sommes allés beaucoup plus loin avec la pandémie », nuance Michel Haelterman. Les palettes entrantes sont scannées, l’ordinateur indique où elles doivent être stockées. C’est également important pour la traçabilité des produits. « Nous devons savoir où et quand les marchandises ont été livrées au cas où un problème surviendrait, en matière de sécurité alimentaire, par exemple. »
Une plateforme de commande automatique signale largement à l’avance que des commandes doivent être placées, si les stocks de certaines boissons diminuent. Et cette gestion intelligente des stocks tient également compte des saisons. Certains volumes sont davantage consommés en été. Le système informatique conseille donc de procéder à certaines commandes. Les festivals attirent aussi l’attention du gestionnaire de stocks intelligent : des stocks supplémentaires de boissons typiques des festivals sont commandés au préalable. « Ce système informatique ne fonctionne pas avec l’intelligence artificielle », indique Michel Haelterman. « Il effectue des calculs sur la base de l’historique des commandes. »
Une autre nouveauté est un outil numérique pour optimaliser les tournées de distribution. L’application est baptisée ‘Smart tour’. Elle réduit le nombre de kilomètres parcourus, en s’appuyant sur divers paramètres. Quel est le jour de fermeture ? Quelles sont les heures de livraison autorisées en ville ? « Nos systèmes informatiques calculent les tournées les plus optimales », explique Michel Haelterman. « Nos chauffeurs disposent d’un appareil reprenant tous ces itinéraires. Nous savons ce qui a été livré et nous connaissons les éventuelles erreurs de livraison. Les vidanges sont également enregistrées dans l’appareil. À l’arrivée du camion, nous savons déjà combien de vidanges il transporte. »
Les clients peuvent évidemment aussi commander par voie numérique. 60% des clients horeca le font déjà. Mais 40% d’entre eux procèdent encore par courriel ou par téléphone, ou ils sont contactés par le service commercial d’Haelterman. Plus de la moitié des distributeurs de boissons n’utilisent pas encore la méthode numérique. « Les petits négociants en bières n’y sont pas encore habitués. Ils commandent par téléphone », observe Paul Haelterman. Tandis que les commandes numériques facilitent le travail d’Haelterman. « Il ne peut pas y avoir d’erreurs », explique Michel Haelterman. « Les clients commandent ‘un fût de bière’, par exemple. Oui, mais quelle marque ? Ou ‘Deux bacs de Spa’. Puis il s’avère que ce client ne veut pas de la Spa, mais de la Chaudfontaine. »
Boisson livrée à domicile
Pendant la pandémie, Haelterman a également lancé un site où le consommateur peut acheter directement des boissons. Auparavant, l’entreprise livrait uniquement les particuliers via les points de vente. Le site s’appelle E-wines, mais il existe des sites distincts pour la propre marque de café de l’entreprise, Masalto, et la boisson rafraîchissante et ‘saine’ Tao. Ces sites livrent donc les boissons à domicile, via le service de livraison de bpost. La société postale belge cotée en bourse vient chercher les commandes chaque jour au dépôt central d’Haelterman à Ternat dans le Brabant flamand. « Ces ventes par internet au consommateur particulier augmentent de 30% chaque mois, sans grands efforts de marketing de notre part », précise Paul Haelterman. « Dans deux ans, ce canal pourrait représenter un cinquième de notre chiffre d’affaires. Nous pensons que cette tendance va perdurer. Elle va de pair avec le télétravail. Nous croyons qu’après la pandémie, les gens continueront à télétravailler un à deux jours par semaine. La consommation de boissons glissera donc partiellement de l’horeca vers le foyer. Sur le site, nous ne nous contentons d’ailleurs pas de vendre des boissons. Nous recommandons, par exemple, quel type de vin associer à quel plat. Nous y postons des conseils de santé. Ainsi, nous développons une relation de confiance avec le client. »
Début 2022, nous avons encore resserré le lien avec le consommateur. Cheers to You est aussi un site dédié aux boissons, mais il livre les commandes à la maison, en collaboration avec le service de livraison Urban Bike. La boisson est livrée à domicile par vélo électrique. « Et ce concept est d’autant plus durable que nous livrons uniquement dans des emballages en verre », indique Paul Haelterman. « Nous l’avons inauguré à Bruxelles et nous allons le déployer dans d’autres villes encore : Anvers, Gand et Liège. »
Cet article est paru dans le Top Transport, qui est disponible en PDF.
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