Résilience à la sécheresse et aux inondations
En mars 2022, un consortium composé de Buildwise, Embuild, la NAV, Vlakwa et VLARIO s’est attelé à un projet ambitieux sur la construction respectueuse de l’eau. Par le suivi attentif de plusieurs projets pilotes et leurs innovations technologiques et par le regroupement des conclusions recueillies, les organisations partenaires donnent des repères aux acteurs de la construction pour s’atteler eux-mêmes à la tâche. (Wout Ectors)
Lorsque nous questionnons le responsable de projet Wim Garmyn (Embuild) sur la nécessité d’un programme consacré à la construction respectueuse de l’eau, il avance d’emblée ses arguments. « En fait, il existe beaucoup de nouvelles connaissances sur les techniques de l’eau durables en milieu urbanisé, mais elles ne percolent pas assez vite jusque sur le terrain. » Une situation à laquelle veut remédier le projet COOCK, acronyme de Collectief Onderzoek & Ontwikkeling en Collectieve Kennisverspreiding. Il se déroule jusqu’en février 2024 (dans un premier temps parce que les partenaires en veulent plus). Son objectif ? Développer de l’expertise sur des techniques de l’eau innovantes et durables, et la diffuser ensuite auprès de tous les acteurs de la construction : entrepreneurs et architectes, mais aussi bureaux d’études, installateurs de sanitaires et fabricants. « Le but ultime est de transformer positivement la résilience de l’environnement à la sécheresse et aux inondations », dit Wim Garmyn. Le consortium a décidé de sélectionner et de suivre intensivement douze projets pionniers. Ce travail permettra de dresser la liste des techniques employées, de prélever des échantillons et d’identifier les obstacles techniques, organisationnels et juridiques. Afin d’obtenir des résultats aussi instructifs et inspirants que possible, il a été opté pour un ensemble de cas diversifié : des projets à grande et petite échelle, des nouvelles constructions et des rénovations, avec des techniques de l’eau individuelles ou collectives.
Trias Aquatica
Dans ce projet, les organisations misent sur les trois axes du trias aquatica : utilisation rationnelle de l’eau au moyen de solutions intelligentes, utilisation circulaire de l’eau avec les eaux pluviales et les eaux usées traitées, et reconstitution des niveaux d’eau souterraine par l’infiltration, le stockage et la végétalisation. Enfin, dans chacun de ces domaines, d’autres étapes significatives sont encore possibles et nécessaires. « La raison sous-jacente est entièrement liée au changement climatique, qui met l’ensemble du cycle de l’eau sous pression », précise Wim Garmyn. « D’une part, nous sommes confrontés à de longues périodes de sécheresse et, d’autre part, à des pics ou des périodes plus longues d’importants volumes de précipitations. Il appartient au secteur de la construction d’y apporter une réponse adaptée. »
Pour le responsable de projet, le potentiel reste énorme. « Nous avons déjà bien avancé, avec notamment le règlement sur les eaux pluviales sur le plan légal. Dans la pratique, nous constatons néanmoins que l’eau courante reste la source principale au niveau des ménages, alors que deux tiers de la consommation d’eau ne nécessite pas une eau de qualité potable. Avec ce projet, nous espérons sensibiliser et attirer l’attention sur des technologies qui contribuent à renforcer la consommation d’eau pluviale ou l’épuration des eaux usées. » La grande enquête sur l’eau menée par Vlakwa, AquaFlanders et l’UGent montre à tous égards un soutien important de la population. « Les gens sont ouverts à la réutilisation de l’eau. Mais concernant les eaux grises (eaux usées domestiques faiblement polluées, ndlr.), il subsiste encore un manque de connaissances. »
En faire plus avec l’eau pluviale et l’eau traitée
Notamment et surtout afin d’exclure les risques pour la santé, le projet sur la construction respectueuse de l’eau comporte un volet scientifique, qui s’est exprimé dès la phase initiale, quand Bart Bleys (Head of Laboratory Water technologies chez Buildwise) et d’autres ont mené une revue de la littérature consacrée à la qualité de l’eau et aux critères légaux associés. « C’est surtout la différence entre les applications hygiéniques et les applications de faible qualité qui est intéressante : la qualité d’eau potable est exigée pour la douche et la cuisine, mais il n’existe aucune obligation pour d’autres applications. Pour disposer malgré tout de critères de référence, notamment sur la réutilisation de l’eau pluviale et l’eau grise, nous avons également cherché des normes ou des valeurs indicatives. Des pays confrontés à la sécheresse possèdent ce type de critères, et l’on constate alors qu’il est souvent possible d’en faire plus avec les eaux pluviales. Ce programme et les projets concrets nous offrent l’occasion idéale de rassembler plus de connaissances sur les qualités réelles de l’eau, ce qui est assurément très enrichissant dans le cadre de ces systèmes d’eaux pluviales innovants. »
D’après Bart Bleys, les connaissances restent également lacunaires concernant les solutions d’épuration. « En prélevant des échantillons à plusieurs reprises pour chaque projet et en mesurant la qualité de l’eau, nous avons eu la possibilité de collecter un ensemble de données passionnant. Des études supplémentaires sont évidemment nécessaires pour rendre ces données pertinentes sur le plan statistique, mais elles permettent déjà d’obtenir une image précieuse des installations et de leurs possibilités. » L’un des projets, une habitation privée dotée d’un filtre à trois étapes innovant pour traiter l’eau grise, a permis, par exemple, de faire une observation notable : une analyse microbiologique a montré que l’eau traitée était très comparable à l’eau pluviale, et donc adaptée à toutes sortes d’applications. « Une fois encore, il faut analyser plusieurs échantillons et projets avant de tirer des conclusions définitives, mais les observations sont déjà positives et porteuses d’espoir, et c’est un point commun à tous les résultats jusqu’à présent. »
De nombreux projets inspirants
L’initiative apporte au secteur de la construction une collection diversifiée de cas inspirants. Prenons la maison-serre bioécologique autonome de l’architecte Koen Vandewalle, qui ne nécessite pas de raccordement à l’eau de distribution et aux égouts grâce à un système élaboré de récupération de l’eau. Ou l’immeuble de bureaux circulaire de Kamp C, où la façade végétale exerce non seulement un effet isolant, mais contribue également au traitement de l’eau grise pour une utilisation dans les toilettes. Et les Slow Cabins entièrement autonomes, qui recourent à des filtres hélophytes, démontrent à leur tour que les possibilités sont aussi nombreuses à petite échelle.
Des solutions innovantes appliquées à plus grande échelle dans des projets résidentiels collectifs sont aussi des sources d’inspiration. C’est le cas de DuCoop dans le quartier De Nieuwe Dokken à Gand, un modèle de circularité et un cycle local entièrement fermé pour l’eau et l’énergie. Pour Bart Bleys, le projet de quartier de Brain à Wiekevorst est un autre exemple saisissant. « Des bassins de rétention y ont été intégrés dans la rue pour collecter l’eau de pluie de toutes les toitures et la redistribuer aux utilisateurs. Un système très intelligent car, en périodes plus sèches, l’irrigation des arbres est prioritaire tandis qu’un dispositif pour filtrer le sel maintient toujours le niveau de qualité de l’eau. »
Code de bonnes pratiques
Afin de répondre au second objectif du projet COOCK, la diffusion de connaissances, le consortium a entrepris plusieurs actions. Une extension du site groenblauwpeil.be doit renforcer le soutien apporté aux professionnels de la construction dans la création de parcelles résilientes au changement climatique, tandis qu’un outil sera lancé bientôt pour la conception et le dimensionnement d’installations pour les eaux grises. De plus, un code de bonnes pratiques est aussi en cours d’élaboration. « Nous y rassemblons toutes les informations sur les projets et les techniques de manière standardisée », indique Wim Garmyn. « Nous publierons ce document début 2024. En outre, via la NAV, qui a également décrit les projets dans des articles, nous organiserons des formations. Tous les cas concrets, les réflexions sur la réutilisation et les difficultés y seront abordés. Et tout acteur de la construction sera le bienvenu. »