Préface Top Transport : Intermittence
Un come-back n’est pas l’autre. Si le retour plus espéré qu’attendu de quelques phénomènes est largement applaudi, d’autres réapparitions sont jugées beaucoup plus funestes. Vous vous souvenez forcément de la résurrection sur scène d’Elvis et de son déhanchement au moyen d’un hologramme, et du nouveau tube « Now and Then » des Beatles, 53 ans après leur séparation. Dans les deux cas, la technologie (intelligence artificielle) a permis aux fans de vivre ce moment magique. Comme beaucoup d’autres, vous étiez forcément moins heureux quand les bouchons se sont reformés. L’espoir que la Covid les aurait paralysés pour de bon a fait place à une solide piqûre de rappel. La technologie ne peut pas tout résoudre, malgré la percée de l’espace de travail numérique, à la maison ou au bureau, alors que la voiture est plus que jamais l’aire d’attente de nos déplacements à l’ère du travail hybride.
Au total, notre pays comptait plus de 6 millions de voitures particulières en 2023, soit une hausse de 1,4 % par rapport à l’année précédente. La tendance est comparable dans le transport professionnel de marchandises (+1,7 %), qui totalise 91.000 véhicules. Sur 5 ans, nous observons une augmentation de 27 %, et même de 69 % selon l’évolution des chiffres sur 10 ans. Et comme la Belgique est un pays de transit important, nos bandes de béton et d’asphalte sont aussi très prisées par des véhicules portant des plaques étrangères. À certains moments, aussi en dehors des heures de pointe ou de congestion, l’infarctus est total et nous nous déplaçons à la vitesse moyenne d’un tracteur ou d’un vélo (électrique). Les attentes nourries par de grands projets d’infrastructure sont énormes alors que nous sommes tous invités à nous regarder dans le miroir du modal shift. Car autour de la table du salon ou de la table de réunion, durabilité rime encore souvent avec faisabilité, accessibilité et abordabilité. Autant d’aspects pour lesquels il faut gagner en puissance et monter dans les tours. Surtout dans un secteur responsable, selon Climat.be, de 23 % du total des émissions.
Clair-obscur
Les investissements en matière de durabilité exercent une pression supplémentaire sur les marges de nos transporteurs, qui manquent déjà de compétitivité sur d’autres plans. L’équilibre est donc précaire, surtout pour les petits acteurs, alors que le secteur se compose pour trois quarts d’entreprises occupant moins de 5 travailleurs. En 2023, 647 sociétés de transport ont fait faillite, soit une augmentation de 11 % par rapport à 2022. Le nombre total de cessations (2.948) est même 13 % plus élevé. Et comme le nombre de créations d’entreprise a diminué (-7 %), nous obtenons pour la première fois une baisse (-96) du nombre total de sociétés actives dans le secteur.
Plus ces statistiques négatives sont sombres, plus les lueurs d’espoir sont lumineuses. Parmi les Trends Gazelles nous dénombrons 175 sociétés de transport, logistiques et maritimes, représentant plus de 7 % de toutes les entreprises à croissance rapide. Sans surprise, Anvers (#30 / 12 %), la Flandre occidentale (#27 / 11 %) et la Flandre orientale (#25 / 10 %) sont les mieux représentées, grâce à leurs clusters portuaires. En termes de taille, les grandes entreprises et les PME sont plus nombreuses, avec 8 % pour chaque catégorie, que les plus petites sociétés (4,5 %). Peut-être seront-elles le moteur d’un secteur qui contribue, au propre comme au figuré, à mettre la transition sur les rails. Avec plus de one shots pour déclencher une réaction en chaîne. Car le tournant dont tout le monde parle ne se veut pas intermittent. Il est durable, destiné à perdurer. Et circulaire, comme Elvis et les Beatles.
(Tommy Browaeys - Editeur)
Le Top Transport est paru avec le Trends-Tedances du 21 mars et disponible en PDF.