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Poids lourds électriques - Alliances stratégiques

Électrifier les poids lourds est crucial pour réduire les émissions de CO2 . Mais des obstacles persistent pour les entreprises et le secteur du transport (coûts, infrastructure, technologie, soutien des autorités...). Trois experts font le point et avancent des solutions. (Dimitri Dewever)

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L’électrification des poids lourds pour les moyennes et longues distances est un enjeu majeur pour le transport. L’Union européenne a annoncé des normes d’émissions plus strictes pour les camions moyens et lourds, avec un resserrement important d’ici à 2030. Les entreprises doivent donc se doter d’une stratégie de flotte durable. « Il faut décarboner le transport : sans une logistique durable, nous n’atteindrons pas les objectifs climatiques », explique Kurt Vandeputte, CEO de Smappee. Ce spécialiste belge des solutions intelligentes d’énergie et de recharge a signé un accord avec le constructeur Windrose pour accélérer l’électrification des poids lourds. « Les grands constructeurs ont démontré l’efficacité des camions électriques. Les modalités de cette transition restent à définir. »

Impasse

Le développement des infrastructures de recharge se heurte à un obstacle de taille : l’électrification des flottes dépend de la disponibilité des bornes de recharge tandis que pour les investisseurs, l’expansion des bornes dépend de la demande. « L’État a déjà pris des mesures pour sortir de cette impasse », indique Thierry Vanelslander, professeur au département transport et économie spatiale de l’Université d’Anvers. « L’installation de bornes de recharge à certaines distances le long du réseau routier est par exemple obligatoire. »

En Flandre, des subsides sont disponibles pour l’installation de bornes de recharge, même sur les sites industriels privés. Reste le problème de l’évolutivité : « L’impact ne sera tangible que lorsque les camions électriques circuleront en nombre suffisant », pense Thierry Vanelslander. Pour Kurt Vandeputte, au lieu d’attendre un déploiement collectif des bornes de recharge, le secteur doit prendre les devants, à l’instar de Tesla avec ses superchargeurs. Les unités de recharge mobiles sont une innovation prometteuse. Les batteries mobiles à chargeurs rapides de Windrose permettent aux entreprises de tester l’électrique sans investir dans des bornes fixes. « Nous proposons un essai de quelques mois, sans adaptation de l’infrastructure », explique Kurt Vandeputte.

Coût élevé

Le prix des camions électriques reste un frein pour de nombreuses entreprises. « Un camion électrique longue distance coûte près de 300.000 euros, contre 80.000 à 100.000 euros pour un diesel », note Stef Proost, professeur à la KU Leuven et cofondateur de Transport & Mobility Leuven (TML), une spin-off de soutien politique qui intègre mobilité, économie et environnement. Quelques entreprises belges, comme AB InBev et Colruyt, sont actuellement en phase de test.

« L’électrique est déjà viable pour les trajets courts et la distribution », précise Stef Proost. « Pour les longues distances, la technologie et les bornes de recharge ne sont pas encore prêtes. » La recharge constitue aussi un défi. Les batteries actuelles manquent d’autonomie pour les longs trajets sans recharges fréquentes. Les pauses obligatoires des chauffeurs toutes les 4h30 sont incompatibles avec les temps et infrastructures de recharge actuels. Pour Stef Proost, l’État doit investir dans ces infrastructures pour accélérer l’électrification des flottes.

Batteries et caténaires

Pour les experts, il n’y a que deux options pour électrifier les poids lourds : les batteries haute capacité, actuellement privilégiées, et les caténaires. « Les camions peuvent s’appuyer sur la technologie des voitures électriques », explique Stef Proost. « Mais les batteries de poids lourds sont lourdes et coûteuses. » Un camion avec batterie de 1.000 kWh pèserait au moins cinq tonnes de plus et serait trois fois plus cher qu’un diesel.

L’alimentation des camions par pantographe sur autoroute a déjà été explorée en profondeur. « Des caténaires rechargent le camion lorsqu’il roule, comme pour les trains et trolleybus », indique Thierry Vanelslander. L’Allemagne et les Pays-Bas testent cette solution sur certaines autoroutes. « Les besoins en batterie seraient considérablement réduits », continue Stef Proost. « Avec une batterie de 300 kWh, un camion pourrait quitter l’autoroute et parcourir de courts trajets. » Selon les calculs, ce système serait surtout rentable dans les régions à forte densité de camions, comme la Belgique, les Pays-Bas, l’Allemagne et le Luxembourg, mais moins pertinent dans les pays à faible densité tels que la Suède.

« Équiper les autoroutes flamandes coûterait quelque 5 milliards d’euros, selon des études économiques », reprend Thierry Vanelslander. « Les besoins en batteries lourdes seraient réduits, tout comme les coûts et la consommation d’énergie. » Le succès de ces solutions repose sur la coopération. « Un camion à pantographe doit pouvoir traverser plusieurs pays », ajoute Stef Proost. « Cela n’aurait aucun sens que l’Allemagne et les Pays-Bas adoptent ce système sans la France. »

Hydrogène

Certains misent sur l’hydrogène pour la rapidité. Mais pour nos experts, rien de tel que l’électrification. L’hydrogène et les biocarburants sont en perte de vitesse. « Il y a trois ou quatre ans, l’hydrogène était crédible dans le transport, mais le secteur prend conscience que l’électricité est plus rentable », assure Kurt Vandeputte. « L’hydrogène est essentiel pour les secteurs où il n’y a pas d’autre option, mais pour les poids lourds, l’électrification prime. »

Stef Proost : « L’hydrogène n’est pas performant. Son rendement (production et consommation) est inférieur à 40%, alors que celui des batteries peut atteindre 90%. Il nécessite en outre une infrastructure complexe et sa production reste très dépendante de combustibles fossiles. » Les biocarburants posent deux soucis : l’offre limitée et la solution non pérenne. Pour Stef Proost, l’avenir du transport lourd sera électrique, avec des camions potentiellement alimentés par des caténaires.

Marché de l’occasion incertain

Autre défi de taille : la valeur résiduelle incertaine des camions électriques. Pour les voitures particulières, les sociétés de leasing peinent à revendre les véhicules électriques amortis. « Les camions pourraient rencontrer le même problème, surtout si les avantages fiscaux disparaissent brusquement », estime Thierry Vanelslander. « Le marché des poids lourds électriques dépend largement des mesures gouvernementales. Les subsides et avantages fiscaux incitent les entreprises à se lancer, mais leur suppression fragiliserait le marché. » Cela souligne la nécessité d’une politique gouvernementale stable et prévisible.

En bref : les années à venir seront déterminantes pour l’électrification du transport lourd. Malgré des batteries moins chères et une technologie en progrès, des investissements sont nécessaires pour une transition rentable. Stef Proost est optimiste : « L’électrification est la seule solution réaliste. La transition est inévitable, mais quand ? »

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