Maintenance prédictive : Les données et les algorithmes influencent l’avenir des machines
Fiabilité accrue des machines, réduction des coûts… : la maintenance prédictive est un atout majeur pour les entreprises possédant des équipements coûteux. Dans le cadre du projet néerlandais PrimaVera, scientifiques et entreprises unissent leurs forces pour développer des solutions capables de prédire les défaillances avec une précision inégalée. Mariëlle Stoelinga, chef de projet, livre ses conseils pour aider les entreprises dans la mise en œuvre d’une stratégie IA. (Dimitri Dewever)
Initié en 2019 pour explorer en profondeur les enjeux complexes de la maintenance prédictive, PrimaVera fait partie du « Nederlandse Wetenschapsagenda » (programme scientifique néerlandais). Le projet est né de la nécessité d’une approche intégrée qui associe les innovations technologiques à une stratégie de maintenance, dans l’objectif de réduire les coûts et d’optimiser la disponibilité des machines et infrastructures.
Professeur à l’université de Twente (Pays-Bas) ainsi qu’à l’université Radboud de Nijmegen, Mariëlle Stoelinga dirige le projet PrimaVera. Elle explique que la maintenance prédictive est un système complexe qui repose sur l’interaction de technologies telles que les capteurs, l’analyse de données et la planification logistique. « Le but de la maintenance est de prévenir les pannes. La maintenance prédictive permet aux entreprises d’anticiper les défaillances, de minimiser les temps d’arrêt et de réduire les coûts de maintenance. »
Bien plus qu’une question de données
La qualité des données est déterminante. En l’absence de données fiables, les algorithmes sont incapables de faire des prévisions précises. « En règle générale, les entreprises disposent de données et se demandent ce qu’elles peuvent en faire », explique Mariëlle Stoelinga. « Elles devraient plutôt se demander quels résultats elles souhaitent obtenir grâce à la maintenance prédictive. »
Peter Mees, Industrial Data & Analytics Solution Architect chez ReBatch, une entreprise belge spécialisée dans les solutions d’IA sur mesure, voit les choses de la même manière. « Lorsqu’elles définissent leur stratégie de maintenance prédictive, les entreprises doivent se demander si elles souhaitent avant tout optimiser la qualité ou simplement réduire les temps d’arrêt. » Avant de se lancer dans la collecte de données et le développement de solutions, il est essentiel de définir une feuille de route claire et d’analyser les risques.
« Cette approche permet aux entreprises d’identifier les données pertinentes et d’investir de manière plus ciblée dans les systèmes de maintenance », renchérit Mariëlle Stoelinga. De nombreuses entreprises disposent déjà de données précieuses grâce à des systèmes tels qu’OEE (Overall Equipment Effectiveness). « Ces systèmes collectent des données sur la disponibilité, les performances et la qualité des processus de production », précise Peter Mees. « Cela permet par exemple d’analyser les arrêts de production et les performances, ce qui constitue une base précieuse pour définir une stratégie de maintenance. »
Le facteur humain est un élément clé
Le facteur humain représente un défi majeur pour la réussite de la maintenance prédictive. Même si les algorithmes sont de plus en plus précis, les techniciens de maintenance doivent comprendre le mécanisme des prédictions. « En l’absence d’une logique transparente, les professionnels de la maintenance considèrent souvent cette solution comme une boîte noire », constate Mariëlle Stoelinga. « Lorsqu’ils comprennent pourquoi certaines actions de maintenance sont nécessaires, ils sont plus enclins à suivre les recommandations des algorithmes. »
La collaboration entre la direction et les techniciens est également vitale pour la réussite de la maintenance prédictive. Il y a parfois un fossé entre les attentes de la direction et les préoccupations des travailleurs, qui craignent de perdre leur emploi à cause de l’automatisation. « C’est justement en intégrant dès le départ la connaissance de terrain des travailleurs que vous obtiendrez les meilleurs résultats », insiste Mariëlle Stoelinga.
Le message transmis par Peter Mees est similaire : le savoir des techniciens et ingénieurs qui connaissent les machines est au moins aussi important que les données en tant que telles. « L’intelligence artificielle et l’apprentissage automatique ne résolvent pas tout : impliquez les personnes qui travaillent avec les machines au quotidien ou qui ont participé à leur conception ; c’est ainsi que vous obtiendrez les meilleurs résultats avec la maintenance prédictive. »
Derniers conseils pratiques
Pour faciliter l’adoption de la maintenance prédictive, Mariëlle Stoelinga préconise de commencer par un cas d’usage simple et concret. « PrimaVera a créé un diagramme de décision pour aider les entreprises à identifier les bons cas d’usage. Des facteurs tels que la disponibilité des données, la complexité des systèmes et des machines ainsi que les défaillances possibles sont pris en considération », explique la chef de projet.
Les entreprises doivent par ailleurs évaluer et adapter régulièrement leurs modèles en fonction de l’évolution des performances des machines, conclut Peter Mees. « La conception de modèles IA évolutifs permet un déploiement sur différents composants, ce qui évite de devoir multiplier les modèles. En évoluant sans cesse, les modèles permettent aussi aux entreprises de répondre aux changements et de relever les nouveaux défis, rendant les processus de production plus intelligents et plus durables. » Le message est clair pour les entreprises prêtes à franchir le cap : lancez-vous dans l’aventure, collaborez et définissez une vision claire.