Macro-économie - Le refroidissement avant le redressement
Pour la seconde année consécutive, l’économie mondiale est parvenue à éviter de sombrer dans le scénario funeste d’un profond refroidissement. Si la menace d’une récession plane encore, elle ne constitue pas (encore) un scénario de base. Les prévisions de croissance pour 2025 avoisinent plutôt les taux de 2024. Pas question d’une conjoncture florissante donc, mais pas non plus d’un hiver économique. (Danny Reweghs)
Les relèvements de taux marqués opérés par les banques centrales occidentales en 2022 et 2023 ont été globalement bien digérés en 2024. Au premier semestre, la croissance est même restée largement supérieure aux attentes. Mais au fil de l’année, le ralentissement de l’économie est devenu de plus en plus perceptible, conduisant tant la Réserve fédérale que la Banque centrale européenne (BCE) à ramener les baisses de taux à l’ordre du jour en 2024, avec un cycle d’abaissement des taux qui devrait se poursuivre en 2025. De quoi rendre un peu plus d’oxygène à l’économie mondiale dans le courant de l’année 2025.
Flash-back
Pour bien comprendre la situation économique actuelle, il faut d’abord revenir en 2022. La pandémie de coronavirus était à peine derrière nous qu’une nouvelle crise éclatait au printemps 2022 : l’Ukraine. Contredisant la plupart des dirigeants occidentaux, le président russe Vladimir Poutine précipita l’Europe dans une profonde crise géopolitique en prenant la décision insensée d’envahir l’Ukraine. Les factures d’énergie s’envolèrent et l’inflation déjà en hausse atteignit alors des sommets. Des taux d’inflation de 10 % et plus, inédits depuis des décennies, poussèrent les banques centrales à réagir en relevant les taux à dix reprises.
Dans un tel contexte, une croissance mondiale de 2,5 à 3 % pour la période 2022-2024 est loin d’être dramatique. Certes, elle n’atteint pas les taux auxquels nous étions habitués depuis 20 ans (plus proches de 3,5 % en moyenne), mais elle reste très loin de la situation moribonde redoutée par les économistes et les analystes, qui posaient un regard trop sombre sur l’économie mondiale. La pénurie de main-d’œuvre a permis au marché du travail de rester très solide jusqu’à présent et donc au secteur des services de résister efficacement. La consommation stimule l’économie. Il a toutefois fallu intégrer la récession dans l’industrie. La bonne nouvelle de 2024 est que l’inflation est de plus en plus maîtrisée et que, comme annoncé l’année dernière, elle est revenue à 3 % à l’échelle mondiale, après avoir dépassé 7 % en 2022 et s’être fixée à 4,4 % en 2023. Selon les prévisions, elle devrait encore reculer en 2025 jusqu’à un taux de 2,5 % environ, avec une croissance économique stable qui atteindra à nouveau 2,5 à 3 %.
UE : en quête d’équilibre
Comme en 2023, la zone euro aura pu éviter une croissance globale négative cette année. Néanmoins, plusieurs pays et sous-régions affichent au moins deux trimestres consécutifs de croissance négative, ce qui correspond à la définition d’une récession. De plus, le péril a été évité non pas grâce, comme le veut la tradition, mais malgré les performances de l’Allemagne. Car selon les derniers pronostics, après une année de récession et un recul à -0,2 %, l’Allemagne flirtera à nouveau avec une croissance nulle cette année (pronostic pour 2024 : +0,1 %). Et ce, dans le contexte d’une croissance de +0,5 % en 2023 pour la zone euro, avec une prévision de 0,8 % pour 2024. La reprise décevante du marché chinois des exportations, les coûts élevés de l’énergie et les cris d’alarme de l’industrie automobile allemande engendrent une croissance déséquilibrée au sein de la zone euro, alors que l’Allemagne, moteur traditionnel de la croissance, connaît de graves ratés.
La priorité absolue pour 2024 est donc d’éviter une (profonde) récession au niveau de la zone euro et surtout, de retrouver un meilleur équilibre dans la région. Avec une croissance prévue de 1 à 1,5 % pour 2025, une amélioration serait en vue. Mais seulement dans une mesure limitée et avec une marge d’erreur très faible dans une zone euro désespérément divisée sur le plan politique et devenue la proie des populistes.
USA : poursuite du ralentissement
D’après les derniers pronostics pour 2024, l’économie américaine enregistrera un taux de croissance proche de celui de 2023 (environ 2,5 %), voire légèrement supérieur. Des performances étonnamment solides. Le premier semestre en particulier s’est avéré exceptionnellement bon. De quoi renforcer la probabilité que l’économie américaine amorce à nouveau une année de faible croissance. D’après les prévisions moyennes, l’économie américaine progressera encore d’environ 2 % en 2025. En enregistrant donc d’abord un refroidissement au premier semestre, dans le prolongement du ralentissement affiché depuis l’été, avant de se redresser éventuellement au second semestre, sous l’effet des baisses de taux opérées par la Réserve fédérale. Car il ne faut pas oublier de mentionner un élément positif : la perspective de voir l’inflation américaine poursuivre son recul et se rapprocher de 2 %, après avoir encore flirté avec 3 % pour l’année 2024. Mais la victoire de Trump aux élections présenterait toutefois un risque plus élevé de voir l’inflation repartir à la hausse qu’un mandat exercé par Harris.
Chine : enfin la reprise ?
2023 et 2024 auraient dû être des années de résurrection économique pour la Chine. Mais ce n’est toujours pas le cas, au grand désespoir des économistes internationaux. Il est plus que probable que la croissance de 5 % pronostiquée par la Chine elle-même ne sera pas atteinte (pronostic : 4,5 %). La persistance de la crise immobilière, le déclin de la confiance des consommateurs et l’essoufflement des exportations n’ont pas permis à l’économie chinoise de retrouver l’élan de croissance d’antan. Et les analystes ne tablent toujours pas sur une amélioration spectaculaire pour 2025. Plutôt un recul même, avec des prévisions de 4 à 4,5 %. Mais cette économie reste évidemment la plus difficile à évaluer pour les économistes occidentaux, car l’écart entre les prévisions et les chiffres peut s’avérer plus grand. Inférieur à 1 %, le taux d’inflation s’établirait largement sous la moyenne internationale.
(Rédaction, 1er octobre 2024)