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L’industrie pharmaceutique lutte contre la pénurie de médicaments

Fin 2023, un peu moins d’un millier de médicaments à usage humain étaient indisponibles dans notre pays. Et la pénurie n’est pas temporaire, mais bien structurelle. Alors que notre pays s’apprête à assumer la présidence de l’UE, le gouvernement, l’industrie et les grossistes proposent des solutions. (Wouter Temmerman)

En 2023, les annonces de médicaments temporairement indisponibles se sont régulièrement succédé. Le site web Pharmastatut.be, initiative de l’Agence fédérale des médicaments et des produits de santé (AFMPS), fait office de baromètre pour estimer la pénurie. En novembre, la page d’accueil de PharmaStatut recensait 200 à 300 médicaments en pénurie constante. Mais début novembre, Hugues Malonne, le nouvel administrateur général de l’AFMPS, indiquait que la pénurie s’élevait plutôt à 736 références. Le chiffre de la page d’accueil ne prend en compte que les médicaments pour lesquels une notification d’indisponibilité a été émise au cours des 30 derniers jours ; il tient donc compte des médicaments qui ne sont plus disponibles depuis un certain temps. En additionnant les médicaments étiquetés « temporairement indisponibles », « interruption de la commercialisation » et « disponibilité limitée », le compteur atteignait 904 références début décembre, soit 8,5 % de l’offre totale dans notre pays (les médicaments dont la commercialisation est définitivement arrêtée ne sont pas inclus dans ce calcul).

La liste de PharmaStatut mentionne également la disponibilité d’alternatives, qui peuvent déjà soulager les patients. Parfois, le traitement peut être adapté, ou le fabricant ou la pharmacie peuvent importer le médicament. Cependant, une vingtaine de références restent en indisponibilité critique, avec souvent des conséquences importantes. Début septembre, la Vlaams Patiëntenplatform (VPP) a mené une enquête auprès de 542 personnes. Sur les 421 personnes ayant déjà été confrontées à l’indisponibilité d’un médicament, 44 % ont déclaré que l’impact sur leur qualité de vie était important.

À ne pas minimiser

Olivier Delaere, CEO du grossiste Febelco, tire également la sonnette d’alarme. « Notre pays dispose d’une industrie pharmaceutique admirable et d’une agence des médicaments brillante, mais nous devons cesser de minimiser ce problème. La situation ne fait que s’aggraver. » Interrogée sur cette pénurie, l’industrie avance plusieurs explications. « L’indisponibilité est un problème complexe dont les causes sont multiples et se situent à différents niveaux », indique Ann Adriaensen, secrétaire générale et directrice santé publique chez Pharma.be, l’association générale de l’industrie pharmaceutique. « Pensez au processus de production complexe, à la pression sur les prix et à la libre circulation des biens. » Le site de l’AFMPS avance aussi les retards de production, l’indisponibilité de matières premières ou auxiliaires, l’augmentation de la demande, les problèmes logistiques ou les rappels. Pharma.be l’a déjà clairement affirmé : les entreprises pharmaceutiques ne font aucun compromis sur la sécurité et la qualité, et les processus de production sont longs et fragiles. Pouvoir répondre à une demande plus importante n’est pas évident, la production locale fait défaut et les baisses de prix imposées empêchent parfois de poursuivre la commercialisation d’un produit.

Pharma.be a présenté cette analyse dans un communiqué de presse, mais tout le monde ne partage pas entièrement le point de vue de l’industrie. Febelco, par exemple, pointe du doigt le contingentement. Les entreprises pharmaceutiques qui appliquent un contingentement régulent la distribution de leurs stocks en interrompant les livraisons. « Les contingentements commerciaux posent particulièrement problème, car ce n’est pas la demande mais la marge qui détermine la distribution sur les différents marchés », explique Olivier Delaere. « Pour nous, le contingentement commercial est l’une des principales causes de la pénurie de médicaments et l’AFMPS doit prendre ses responsabilités à cet égard. »

Importation parallèle

Quelques pistes de solution se dégagent. « Pour que les médicaments restent accessibles en Belgique à l’avenir, nous devrons procéder aux ajustements nécessaires à long terme afin de rendre notre système de distribution moins vulnérable à toutes sortes de facteurs externes », résume Ann Adriaensen. « Encourager un environnement économique concurrentiel sain qui permette à de multiples acteurs d’entrer sur le marché belge figure parmi les ajustements nécessaires pour permettre un système de distribution durable. C’est un aspect dont nous discutons aussi avec le ministre de la Santé, Frank Vandenbroucke. »

Febelco propose aussi des idées pour repenser le système de distribution. Le grossiste préconise davantage d’importations parallèles, permettant la commercialisation du médicament en Belgique par un importateur qui n’a pas été désigné par le titulaire de l’autorisation initiale. « Dans neuf cas sur dix, une solution est disponible à l’étranger », affirme Olivier Delaere. « Simultanément, une plus grande transparence peut être utile, pour permettre par exemple aux concurrents d’estimer combien de temps le produit d’un leader du marché restera indisponible. Avec ces informations, ils verront davantage d’intérêt à importer des stocks en Belgique. Les grossistes peuvent aussi jouer un rôle en constituant un stock tampon plus important avec l’aide financière du gouvernement. Ajoutez à cela un mécanisme de solidarité européen et je suis convaincu que nous pourrons remettre 300 produits sur le marché dans l’année. »

Présidence de l’UE

Souvent, les solutions proposées par les différents acteurs peuvent s’inscrire dans un contexte européen. L’AFMPS aussi a déjà plaidé pour la création d’un « stock tournant » européen. Les stocks étant inutilisables au bout d’un certain temps, un système européen flexible constituerait une solution intéressante. L’arrivée de la Belgique à la présidence de l’UE à partir du 1er janvier est donc une opportunité. « La réglementation européenne arrivera bientôt, peut-être même sous la présidence belge de l’Union européenne », ajoute Hugues Malonne, et Febelco y voit également une opportunité. « Même si nous sommes convaincus que de nombreuses solutions existent déjà localement, car la Belgique est réputée pour son savoir-faire dans ce domaine », conclut Olivier Delaere. « La disponibilité des médicaments sera l’une des grandes préoccupations de l’Europe dans les cinq prochaines années. À cet égard, notre industrie belge pourra certainement jouer un rôle majeur. »

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