Les innovations technologiques stimulent notre compétitivité et notre durabilité
Alors que l’industrie belge mise de plus en plus sur les nouvelles technologies, l’accent placé sur la durabilité et la productivité conserve toute son importance. Bart Steukers d’Agoria et Herman Derache de Sirris reviennent sur l’événement Up2Date du mois d’octobre, se tournent vers 2025 et donnent un aperçu des principales tendances et évolutions. « La technologie est incontournable pour combler l’écart et rester compétitifs face aux marchés étrangers. » (Dimitri Dewever)
Dans une période où l’industrie belge est confrontée à une concurrence féroce et une augmentation des coûts, la technologie et l’innovation sont plus que jamais essentielles. « Aujourd’hui, la compétitivité et la durabilité sont des thématiques cruciales pour les entreprises, affirme Bart Steukers, CEO de la Fédération des entreprises technologiques Agoria. Les entreprises veulent pouvoir être compétitives, non seulement avec leurs produits, mais aussi avec leurs processus. Et à cet égard, la technologie joue un rôle toujours plus important. »
Un avis partagé par Herman Derache, Directeur général de Sirris, le centre (de connaissance) collectif de l’industrie technologique. « Les nouvelles technologies, et l’intelligence artificielle en particulier, peuvent aider les entreprises à travailler de manière plus efficace et plus intelligente, tout en leur permettant de s’armer contre les défis complexes de notre époque. »
L’IA est une arme
Lors de développements industriels précédents, comme le passage à l’Industrie 3.0, l’accent était placé sur l’automatisation, la robotisation et l’optimalisation des processus. Aujourd’hui, le moteur principal est l’IA. « Pendant longtemps, la croissance de la productivité en Belgique a été parmi les plus rapides en Europe, mais ces dernières années, elle a quasiment stagné », explique Bart Steukers. « La mise en œuvre de l’IA ouvre des perspectives. Cette technologie est considérée comme l’un des moyens les plus puissants pour améliorer l’efficacité et optimaliser les processus. »
Une enquête récente menée par Sirris auprès d’entreprises belges montre la vitesse à laquelle cette technologie est adoptée dans notre pays. En novembre 2023, 50% des entreprises interrogées disaient ne pas recourir du tout à l’IA, tandis que cette proportion avait déjà reculé de moitié à 25% en mai 2024, soit à peine six mois plus tard. « Il semble donc bien que l’adoption de l’IA s’est accélérée dans notre industrie », précise Herman Derache.
Applications pratiques
Dans le secteur manufacturier, l’IA est de plus en plus présente dans le cadre de la production : de la préparation du travail au contrôle de la qualité. Herman Derache décrit, par exemple, comment l’IA est exploitée pour générer automatiquement des programmes pour des machines complexes. « En Europe de l’Ouest, beaucoup d’entreprises fabriquent de petites séries de produits complexes. Dans ces conditions, il est très difficile de rentabiliser l’automatisation », explique-t-il. « Mais l’IA générative permet de créer rapidement des variantes pour les programmes, par exemple pour des petites séries ou des séries qui nécessitent des ajustements spécifiques. Elle augmente ainsi la productivité et réduit le risque d’erreurs. » C’est également le cas pour le développement de logiciels parce que l’IA est capable de générer de longues lignes de code sur la base de quelques instructions simples. « Les programmeurs sont alors en mesure de se concentrer sur le contrôle de la qualité et d’affiner le logiciel, tandis que l’IA se charge du codage initial. »
Un autre exemple est l’utilisation de l’IA dans le monitoring du bruit sur les sites de production, afin de pouvoir repérer à un stade précoce les machines qui montrent des signes d’usure, souvent bien avant qu’un travailleur les remarque. Mais l’IA joue également un rôle croissant dans le cadre des interactions avec l’humain dans les ateliers. On peut citer l’exemple des instructions données aux opérateurs, que l’IA ajuste de manière beaucoup plus précise à leur ligne de production spécifique. « Cela rend non seulement le travail plus simple, mais cela renforce aussi l’efficacité et la qualité du produit final », dit-il.
Cybersécurité : élément essentiel de la transition numérique
Le recours croissant à l’IA et à la digitalisation entraîne un nouveau défi à relever d’urgence : la cybersécurité. Notre industrie est très dépendante des données sauvegardées dans le cloud et des machines connectées, ce qui rend les entreprises vulnérables aux cyberattaques. Il est donc essentiel d’investir dans la cybersécurité. « La cybersécurité n’est pas seulement une question d’ordre technique », affirme Herman Derache.
« Les entreprises doivent comprendre qu’elles sont aussi concernées par ces dangers. Et si les grandes sociétés font souvent les gros titres en cas de cyberattaque, les PME sont au moins aussi vulnérables que les grands acteurs. » Bien que la cybersécurité soit cruciale, beaucoup d’entreprises sont réticentes à l’idée d’investir dans de telles mesures parce qu’elles n’engendrent aucun bénéfice direct. Pourtant les experts insistent sur leur importance pour la protection des données et des processus. « De plus en plus d’entreprises belges prennent conscience des risques, mais il reste du pain sur la planche. »
La transition verte
Outre les défis relatifs à la productivité et la compétitivité, la transition verte est un autre moteur important pour l’innovation. De nombreuses sociétés cherchent comment produire avec une meilleure efficacité énergétique, en générant moins de déchets et en contribuant à l’économie circulaire. L’IA est en mesure de jouer un rôle déterminant en analysant les données et en optimalisant ainsi les processus tout en limitant le gaspillage, pour une empreinte écologique réduite.
Bart Steukers souligne que l’IA contribue à rendre les processus de développement de produits plus durables. « Par exemple, l’analyse des données peut permettre d’aménager les lignes de production plus efficacement et de réduire au minimum la consommation d’énergie. Ce progrès en matière de durabilité présente un double avantage : les entreprises améliorent leurs performances environnementales et elles accèdent à des marchés où les normes de durabilité sont de plus en plus strictes. »
L’importance du talent et des compétences numériques
Parmi les autres thèmes régulièrement mis en exergue pendant l’événement Up2Date, il y a aussi le manque de talents techniques et de compétences numériques en Belgique. Malgré les difficultés économiques, on compte actuellement plus de 16.000 postes vacants dans l’industrie belge. Bart Steukers précise que la Belgique se classe relativement bien sur le plan de l’expertise numérique spécialisée en comparaison d’autres pays européens. « Il existe toutefois un grand fossé entre les connaissances des experts du numérique et les compétences numériques générales dans les entreprises belges », ajoute-t-il. Une lacune qui entrave l’adoption de nouvelles technologies et qui constitue un obstacle pour les entreprises désireuses d’innover.
« Les entreprises doivent non seulement former leurs collaborateurs, mais aussi les amener à comprendre les compétences dont ils ont besoin pour rester pertinents sur le marché du travail du futur. » Agoria insiste sur l’importance de l’apprentissage tout au long de la vie et investit avec Sirris dans des initiatives pour renforcer les compétences technologiques tant dans l’enseignement que sur le terrain. « Il faut assurément aussi accorder plus d’attention à l’intégration de compétences technologiques dans l’enseignement ordinaire », dit Herman Derache. « L’idée est que l’IA devienne aussi accessible que l’électricité : tout le monde n’a pas besoin de savoir comment elle fonctionne, mais tout le monde doit pouvoir l’utiliser concrètement. »
Réglementation : entrave et opportunité pour l’innovation
Une dernière thématique importante abordée lors de l’événement Up2Date était le rôle de la réglementation. Bien qu’elle soit essentielle pour garantir l’utilisation sûre et responsable des technologies, des règles trop strictes risquent de freiner l’innovation. « On dirait parfois que la réglementation dépasse l’innovation », note Bart Steukers. « Les entreprises devraient avoir la possibilité de tester de nouvelles technologies et se développer, sans être empêtrées dans des obligations administratives. » Là encore, ce sont surtout les petites sociétés qui rencontrent des difficultés pour s’orienter dans le dédale du cadre légal, ce qui ralentit l’adoption de nouvelles technologies.