L’e-van entre lentement sur le marché automobile
Dans le segment des voitures particulières, la question semble peu à peu entendue : l’électrification s’intensifiera au cours des prochaines années, au point même que les moteurs à essence et diesel connaissent leurs derniers soubresauts sur ce marché. Du côté des camionnettes électriques, la situation commence aussi à changer, mais à un rythme plus lent. (Frederic Petitjean)
En 2022, un peu plus de 56.100 nouveaux utilitaires légers sont sortis des showrooms en Belgique. Parmi eux, un total de 3,2 %, soit près de 1.800 exemplaires, étaient équipés d’un moteur électrique. Le moteur diesel reste le maître sur ce segment du marché, avec une part de près de 88 %. Peugeot a su séduire le plus grand nombre d’acheteurs, avec 663 véhicules, suivie loin derrière par Citroën (267 unités) et Mercedes-Benz (240 unités). Maxus et Renault complètent le top 5. Pour les occasions, un segment très important pour ce type de véhicule, la part de marché du moteur électrique est encore plus faible. Sur les 91.470 véhicules d’occasion qui ont changé de propriétaire l’année dernière, à peine 0,6 % étaient à propulsion électrique, soit même pas 550 exemplaires.
Ces trois dernières années, les immatriculations d’utilitaires légers à propulsion électrique ont pourtant doublé chaque année, mais leur nombre reste globalement assez faible. Il semblerait néanmoins que nous nous rapprochions d’un tournant. Pendant le seul mois de janvier 2023, l’électrique a soudain atteint une part de marché de 4,5 %. Les nouveaux modèles diesel ont poursuivi leur recul pendant le premier mois de l’année, jusqu’à 86,7 %. Pour les véhicules d’occasion, ce tournant n’est pas encore en vue, au contraire même : en janvier, l’e-van a représenté 0,3 % des ventes, encore moins donc que sur l’ensemble de l’année 2022. Une situation qui s’explique toutefois (en partie) parce que l’offre de camionnettes électriques de seconde main est encore anecdotique aujourd’hui.
Attache-remorque et prix
Bon nombre d’arguments peuvent être avancés pour expliquer pourquoi les progrès sont moins rapides pour les camionnettes que pour les véhicules de tourisme. Une raison importante est assurément que l’offre de camionnettes électriques augmente, certes, mais qu’elle n’est toujours pas particulièrement éblouissante. Le site spécialisé egear.be liste en tout et pour tout dix-sept modèles différents qui sont disponibles dans notre pays aujourd’hui, parmi lesquels le Toyota ProAce, le Mercedes e-Sprinter, l’Opel Vivaro-e et l’e-Doblo de Fiat. Précision importante : dans cette liste, douze modèles seulement peuvent déjà être équipés d’une attache-remorque. Or, cette option est justement très demandée.
Il ressort aussi de cette liste que la différence de prix entre un modèle à moteur diesel classique et une camionnette électrique reste très marquée. Ce qui ne favorise évidemment pas le taux d’adoption. Prenons, par exemple, le Fiat Scudo. Dans sa version la plus basique, son prix officiel est de 28.100 euros, hors TVA. L’eScudo, la version comparable équipée d’un moteur électrique et d’une batterie de 50 kWh atteint déjà 38.600 euros, hors TVA. Le client peut également opter pour une batterie plus lourde de 75 kWh. Mais dans ce cas, la facture grimpe jusqu’à 43.600 euros, hors TVA. Et on observe le même schéma dans d’autres marques. Suite à la forte augmentation des tarifs de l’électricité, les véhicules électriques perdent toutefois un de leurs plus gros atouts par rapport aux moteurs diesel : leurs très faibles coûts d’utilisation. Il y a quelques mois encore, rouler à l’électrique coûtait beaucoup moins cher que rouler au diesel, mais la crise de l’énergie qui fait rage a largement balayé cet écart de prix.
Autonomie
Comme pour les voitures particulières, l’autonomie des utilitaires électriques reste un autre point délicat pour beaucoup de professionnels. Revenons au Fiat eScudo. Avec une batterie de 50 kWh, ce véhicule parcourt 230 kilomètres, selon la norme WLTP. Cela n’a rien d’un luxe pour un plombier, par exemple, qui doit se rendre de Liège à Charleroi ou à Mons pour travailler. La version plus chère avec la batterie de 75 kWh permet d’ajouter une centaine de kilomètres. Mais attention : ces chiffres s’entendent dans des conditions optimales et sans chargement. Une camionnette remplie de matériel ira un peu moins loin. À cet égard, il faut facilement compter un perte d’autonomie de 15 %. Et pas seulement en cas de chargement, car une batterie perd aussi pas mal de kilomètres potentiels par temps froid ou sur un relief montagneux. Avec un chargeur rapide, il est possible de recharger un eScudo à 100 kilowatt maximum. Pour le recharger de 0 à 80 %, il faut donc aisément prévoir une demi-heure pour la batterie de 50 kWh. Et à peu près trois quarts d’heure pour la batterie supérieure de 75 kWh.
Les pouvoirs publics soufflent le chaud et le froid
Pour les très grandes distances, la camionnette électrique n’est donc pas encore la solution la plus pratique, même si tous les acteurs du secteur automobile sont unanimes : comme la voiture particulière, la camionnette a pris le chemin de l’électrification et il n’y aura plus de retour en arrière. Les batteries et les moteurs électriques ne cessent de gagner en qualité et en puissance et, dans quelques années, le problème de l’autonomie ne sera assurément plus qu’un lointain souvenir. Mais il n’y a pas que le prix et l’autonomie qui retiennent actuellement beaucoup d’acheteurs potentiels d’investir dans des véhicules électriques. Les pouvoirs publics ont aussi leur mot à dire. À partir de 2026, seuls les utilitaires n’émettant pas de gaz à effet de serre seront encore fiscalement déductibles, tout comme les voitures électriques. Ceci ne s’applique toutefois pas (encore) aux vans et aux camionnettes qui, même avec un moteur diesel, pourront toujours être repris dans la déclaration fiscale après 2026. D’un point de vue fiscal, il n’est donc pas plus rentable aujourd’hui pour les entrepreneurs de délaisser leurs camionnettes au diesel pour les remplacer par des modèles électriques.
Mais les pouvoirs publics soufflent à la fois le chaud et le froid. De plus en plus de villes et d’agglomérations veulent créer des zones à faibles émissions, des secteurs de la ville dans lesquels votre voiture ou votre camionnette ne peut pas circuler si elle rejette trop de polluants, à moins que vous acceptiez d’acheter une vignette spéciale. Ces mesures peuvent évidemment fortement stimuler la vente d’utilitaires électriques car ces derniers ne rejettent absolument rien. L’impact sera surtout significatif pour la mobilité du dernier kilomètre (comme les livreurs). Et c’est sans compter les zones zéro émission, c’est-à-dire des zones où vous ne pourrez pénétrer qu’avec un moteur ne produisant aucune émission, même si vous êtes prêt à payer. En Belgique, elles n’existent pas encore, mais chez nos voisins, elles fleurissent de plus en plus. Il est donc possible que nous leur emboîtions le pas.
Cet article est paru dans le Top Transport qui est disponible en PDF.