La (re)valorisation du bâti ancien
En 2025, la construction neuve n’est plus la seule priorité. Face à l’urgence de la problématique des immeubles vieillissants et aux ambitions climatiques qui demandent des interventions radicales, la (re)valorisation du bâti existant gagne en importance. En conservant la structure, les nouvelles techniques durables et une réorganisation éventuelle permettent d’adapter les bâtiments rénovés aux besoins actuels. (Wout Ectors)
Alides, un promoteur immobilier, intègre explicitement l’upcycling (le recyclage valorisant) dans sa stratégie. Kelly Moerman, Sustainability Manager, en souligne l’importance pour le secteur. « La construction joue un rôle clé dans la transition vers la durabilité. Maximiser l’utilisation de ce qui existe déjà est essentiel, et nous nous sommes fixé des objectifs ambitieux. » Revive, également basé à Gand, est un autre pionnier dans la (re)valorisation de l’immobilier vieillissant. Si Nicolas Bearelle et son équipe se positionnent d’abord sur des projets de construction neuve durables en milieu urbain, l’upcycling reste l’option numéro 1. « Nous conservons toujours les structures existantes lorsque c’est possible. »
L’upcycling n’est cependant pas réservé à une poignée de pionniers écologiques. Immobel, l’un des plus grands promoteurs du pays, s’engage aussi dans des rénovations (énergétiques) en profondeur. « Cette activité, au départ complémentaire, représente déjà 20 à 30% de notre portefeuille », explique Judith Verhoeven, Head of ESG. « En milieu urbain comme sur des sites industriels en périphérie, nous voyons de nombreuses opportunités d’upcycling. Cela nous prépare stratégiquement pour l’avenir et répond aux attentes croissantes des investisseurs en matière de durabilité. »
Rénovation ou construction neuve?
Tous nos interlocuteurs se rejoignent en tout cas pour dire que le choix entre rénovation et construction neuve nécessite une analyse approfondie avant toute décision. Outre les coûts et les prescriptions urbanistiques (locales), la faisabilité technique est cruciale, selon Judith Verhoeven. « La préservation et la rénovation sont notre fil rouge, mais il va de soi que la stabilité d’une structure ne doit en aucun cas être compromise. » Kelly Moerman ajoute que des facteurs comme la charge mobile, la sécurité incendie et le confort sont également pris en compte. « Beaucoup de ces bâtiments datent d’une époque où l’isolation et la ventilation étaient négligées. Aujourd’hui, ces éléments sont intégrés dès la conception de l’immeuble. Nous devons donc d’abord vérifier si la structure à transformer peut être adaptée dans son ensemble aux besoins modernes. »
Ainsi, Alides affichait en 2023 un taux d’upcycling de 33%, comme il l’indique dans ses rapports de durabilité qui distinguent clairement les projets de revalorisation, tels que la réhabilitation emblématique de l’immeuble de bureaux Montoyer 34 à Bruxelles, les projets de densification, où de nouvelles constructions remplacent d’anciens bâtiments, et les projets d’extension qui intègrent de nouveaux espaces verts. « Mais nous visons encore plus haut : une part de 50% d’ici 2030, avec un objectif de 35% en 2025. »
Carbone incorporé
Qu’il s’agisse de démolir un bâtiment pour le remplacer ou de le rénover en profondeur, le facteur déterminant n’est pas d’ordre fiscal. Certes, le régime de TVA favorable pour les rénovations semble avantager l’upcycling, mais « ce dernier coûte en réalité plus cher que la construction neuve », explique Kelly Moerman, en renvoyant aux analyses financières d’Alides. Le secteur, ainsi que tous ses acteurs, se concentre avant tout sur l’impact durable, en particulier sur la réduction du carbone incorporé, c’est-à-dire les émissions de carbone liées au cycle de vie complet d’un bâtiment. « Des études indiquent que conserver la structure permet de réduire les émissions de CO2 de près de 50% », souligne Nicolas Bearelle. Il voit ainsi l’expertise approfondie de Revive dans l’analyse du cycle de vie (ACV) comme son argument de vente majeur. Précisons d’ailleurs au passage que Revive est la première entreprise belge et le premier promoteur au monde à avoir obtenu la certification B Corp. « En réalité, nos habitations devancent toujours la réglementation, ce qui les rend pérennes. »
Réaffectation
Rénover des bâtiments vieillissants pour les valoriser vaut en principe pour tout type de bien immobilier. Mais, selon Kelly Moerman, les projets de bureaux s’y prêtent particulièrement bien. « Ces immeubles sont souvent très bien situés dans les centres-villes, faciles d’accès et intégrés dans un environnement déjà dense. De plus, leur structure de propriété est généralement plus simple, ce qui rend l’upcycling une option logique. » Par ailleurs, Nicolas Bearelle souligne que le marché des bureaux doit se réinventer. « Les grands bâtiments typiques destinés aux administrations et aux entreprises appartiennent déjà au passé. La pandémie et la tendance au télétravail ont accentué la vacance de ces espaces. C’est pourquoi nous nous concentrons de plus en plus sur la transformation des bureaux en logements résidentiels, en mettant l’accent sur l’accessibilité financière et l’implication active des communautés locales. » L’upcycling peut d’ailleurs inclure une dimension de réaffectation, l’un n’excluant pas l’autre. Un exemple éloquent est celui des bureaux de Revive, qui font partie de trois pôles pour entreprises innovantes, issus de la rénovation d’un hôpital, d’une usine pétrolière et d’une usine textile.
Pour conclure, Judith Verhoeven ajoute une dimension à la symbiose entre rénovation et réaffectation. « Nous ne nous limitons pas à reconfigurer la fonction d’un bâtiment grâce à l’upcycling. En intégrant dès le départ des réflexions sur la démontabilité et l’adaptabilité, nous ouvrons la voie à de futures réaffectations potentielles. » Cette approche souligne encore davantage la vision avant-gardiste des pionniers de l’upcycling.