La logistique élastique n’a jamais été aussi importante
La crise du Covid a douloureusement révélé aux entreprises que les perturbations dans les chaînes d’approvisionnement dues à la pénurie de matériaux ou à l’engorgement des transports peuvent perturber des secteurs entiers. Et cette prise de conscience n’a fait qu’accroître l’importance d’une logistique élastique. - Dimitri Dewever
La logistique élastique permet aux entreprises de gérer leurs activités de manière efficace et très flexible durant des périodes de fluctuation de la demande. Elles peuvent ainsi rapidement adapter les capacités de leurs chaînes d’approvisionnement aux exigences du marché. Durant les périodes de forte activité, il leur est par exemple possible d’augmenter leurs capacités de production, de transport et de stockage, de manière simple et rapide, afin de pouvoir faire face à l’augmentation des commandes des clients. À l’inverse, les entreprises adoptant cette stratégie peuvent diminuer leurs capacités lors de périodes plus calmes, afin d’éviter des coûts inutiles liés à des surcapacités.
« Cette approche permet aussi d’éviter une sous-utilisation des camions, trains, bateaux et autres moyens de transport, en adaptant les capacités à la demande. Les coûts diminuent et l’impact sur l’environnement est moindre », souligne An Caris, professeure au sein du groupe de recherches en logistique et vice-doyenne de la faculté de gestion d’entreprise à l’université de Hasselt. « La logistique élastique tente aussi de résoudre les problèmes de stocks trop importants. Les entreprises adaptent leur stock à la demande réelle, diminuent les frais de transport et le risque d’obsolescence des stocks, des produits et des marchandises. »
Comment débuter ?
Les avantages de la logistique élastique sont perceptibles : améliorer l’expérience du client grâce à des livraisons optimales, à des processus d’entreprise interconnectés, à une flexibilité et une évolutivité plus importantes. Mais comment une entreprise peut-elle s’y prendre ? Quel état d’esprit adopter et quelle organisation mettre en place ? De nombreuses sociétés déterminent en effet bien à l’avance leur niveau de production, leurs capacités de sto-ckage, leurs appels d’offres et leurs contrats en matière de transport (parfois 6 mois à 1 an), en fonction de l’anticipation des demandes du marché.
Une logistique élastique s’adapte plus rapidement et de manière plus flexible aux demandes réelles du marché. « Aujourd’hui, bon nombre d’entreprises belges ont déjà intégré certains éléments de la logistique élastique dans leur fonctionnement », précise An Caris. « Beaucoup avouent pourtant ne pas pouvoir le faire seules et avoir besoin de collaborations pour mettre en pratique cette stratégie de manière optimale. »
Collaborations et entreprises partenaires
Comment mettre en place une logistique élastique ? En travaillant avec une entreprise qui possède un modèle de demande opposé en matière de stockage en entrepôt et de volume de transport. Un pisciniste qui compte sur la période estivale pour développer son business, peut peut-être, en termes de volumes de stockage et de transport, travailler avec une entreprise surtout active en période hivernale. Dans le même ordre d’idées, une entreprise qui produit et livre surtout le soir et la nuit pourrait travailler avec une organisation qui stocke et transporte des marchandises principalement en journée. « On peut aussi appliquer ce principe au personnel : diverses entreprises situées dans un même endroit peuvent se partager une même équipe de magasiniers afin de pouvoir répondre aux fluctuations de la demande », ajoute An Caris.
Un troisième intervenant est souvent nécessaire afin de gérer de telles collaborations, de convenir de rendez-vous et de conclure des contrats. Aujourd’hui, différents prestataires de services logistiques (autrefois transporteurs ou spécialistes du sto-ckage) sont en mesure de remplir le rôle d’intermédiaires entre les entreprises qui souhaitent partager leurs capacités de stockage, de transport ainsi que leur expertise. « Certains spécialistes disposent des connaissances, de l’expérience, des installations et des outils numériques nécessaires pour assurer une totale visibilité des stocks ainsi qu’une flexibilité maximale durant toutes les étapes de la logistique d’un produit », indique An Caris.
Outils technologiques
Il convient également d’examiner quelles technologies peuvent représenter un facteur crucial dans la flexibilisation des entreprises. « Des solutions comme l’intelligence artificielle, l’automatisation, l’Internet des objets ou des analyses avancées peuvent-elles être intégrées dans la mécanique d’une entreprise ? », s’interroge An Caris. La réponse à cette question peut permettre aux entreprises de tirer des enseignements des données historiques relatives à leur clientèle. Pour certains clients, la flexibilité ou l’insécurité de la demande est probablement plus importante que chez d’autres. Un client ne trouvera peut-être pas grave que sa commande soit livrée dans un délai de deux ou trois jours au lieu d’un seul, parce qu’il en a rarement besoin en urgence. « En limitant les fluctuations de la demande et en anticipant cette dernière de façon plus précise, les entreprises peuvent non seulement renforcer les liens avec leurs clients, mais aussi organiser leur logistique de manière plus rigoureuse » , conclut-elle.
Un système de gestion d’entrepôt peut également assurer une plus grande flexibilité et élasticité, en analysant toutes les données produites par l’entrepôt afin de détecter les lacunes et les tendances de consommation. Il prédit en effet le niveau de stockage optimal sur la base de l’historique des ventes et des perspectives de croissance. Les entreprises évitent ainsi d’avoir un stock de marchandises superflues ou insuffisantes. « La gestion des entrepôts à flux tendu est loin d’être obsolète », poursuit An Caris.
« Au contraire… Les nouveaux modèles de vente omnicanale exigent un stock aussi réduit que possible dans l’entrepôt afin d’être efficaces. » À cet égard, l’intégration d’un système de gestion du transport peut aider les entreprises à devenir plus flexibles. Ce logiciel contribue à l’achat de services de transport, détermine des itinéraires optimaux et gère l’élaboration et l’exécution de plannings de transport.
Certaines tendances spécifiques du marché renforcent également le besoin en logistique élastique. L’e-commerce ouvre la voie à des modèles d’entreprise innovants comme le dropshipping. Ce système consiste, pour une entreprise/un détaillant, à ne se fournir auprès d’un troisième intervenant qu’au moment où un client achète le produit. C’est une mauvaise nouvelle pour les entreprises qui résistent au changement, puisqu’à l’ère du marketing omnicanal, des prix serrés, des retours gratuits et une livraison directe sont essentiels. « Pour y arriver, il faut une logistique efficace et un bon ajustement des chaînes d’approvisionnement et de transport », conclut An Caris.