Innover avec des champignons et des déchets alimentaires
Nous avons aujourd’hui une pléthore de matériaux de construction innovants à notre disposition qui ont tous pour dénominateur commun la durabilité. Pourtant, rares sont les projets qui en font usage. Quels sont les matériaux de demain et d’après-demain ? Les bactéries et matériaux cultivés ont-ils vraiment un avenir ? (Tilly Baekelandt)
Pour l’exposition ‘The Exploded View Beyond Building’ qui s’est tenue d’avril à octobre 2023 au Kamp C à Westerlo, une maison a été créée à partir de cent matériaux biosourcés et circulaires. Les concepteurs, Biobased Creations, ont ainsi levé le voile sur l’avenir du secteur de la construction et ses potentielles innovations. Le principal avantage de ces matériaux est qu’ils émettent considérablement moins, voire plus du tout de CO2, ce qui n’est pas négligeable au vu des exigences énergétiques de plus en plus strictes. « Ces matériaux intriguent, mais les gens ne franchissent pas le pas », explique Emiel Asconi, Project Manager de Kamp C. « En les intégrant à une maison, nous montrons qu’il ne s’agit pas d’une lubie écolo, mais d’une possibilité concrète. » Près d’un tiers des matériaux exposés sont déjà disponibles, mais leur prix et leur production en quantité limitée freinent le développement. « Ils ne bénéficient pas du soutien nécessaire pour passer à la vitesse supérieure », pointe Emiel Asconi. « Pourtant, ces matériaux ouvrent la porte à des solutions tout-en-un. En collaborant avec le secteur artistique, nous pouvons mettre en avant leurs qualités visuelles. Aujourd’hui, il nous faut marquer les esprits et renforcer les collaborations. »
Construire avec des champignons et des bactéries
Au rayon des matériaux innovants se trouvent quelques nouveautés surprenantes. Les bactéries et leurs caractéristiques spécifiques ont fait leurs preuves en tant que matériau de construction. Et puis, il y a les champignons. Ils poussent vite, sont légers, résistants à l’eau et au feu, insonores, parfois même autocicatrisants, et ils sont compostables après utilisation. Une application particulièrement prometteuse est le MycoComposite. Fabriqué à partir de déchets agricoles et de mycélium (le stade végétatif des champignons), il sert d’isolant phonique et thermique pour les murs et plafonds. Enfin, citons le carrelage acoustique produit à partir de mycélium soigneusement sélectionné et fermenté sur des chutes de coton issues de l’industrie du textile.
Des matériaux cultivés et vivants
Les matériaux cultivés, c’est-à-dire des produits issus de l’agriculture ou des déchets récupérés auprès de forêts ou d’exploitations agricoles durables, sont une ressource illimitée, ce qui en fait une nouveauté dont il faudra tenir compte à l’avenir. C’est notamment le cas du loam, une terre argileuse extraite du sol lors de projets de construction et récupérée pour en faire du torchis. Cet enduit régule l’humidité d’une habitation et assure un climat intérieur sain. Les matériaux vivants, tels que les plantes et les fleurs, jouent un rôle essentiel dans l’embellissement des façades, murs, toits et plafonds, mais aussi dans le renforcement de la biodiversité, la récupération d’eau de pluie et la purification de l’air. Un exemple concret est le toit vert de ‘The Exploded View Beyond Building’, composé d’éléments biosourcés reposant sur des dalles de liège expansé pour éviter l’utilisation de bacs en plastique. Par ailleurs, le chanvre, qui se cultive partout et facilement, se distingue comme un excellent isolant, à l’instar de la paille, la fibre d’herbe et de l’ouate de cellulose.
Ne gaspillons plus nos déchets alimentaires
Les déchets alimentaires ne sont pas en reste lorsqu'il s'agit de créer des matériaux de construction de haute qualité. Plusieurs applications ont été mises en avant lors de l’exposition, notamment un revêtement de sol biosourcé composé d’huile de lin, d’huile de tall, de farine de bois, de carbonate de calcium, de jute, de résine et de déchets de marmoléum, mais aussi un plan de travail conçu à partir d’airelles et de coquilles d’œufs, des portes d’armoires fabriquées à partir de drêche et de paille, et un revêtement mural à base de fibres de poivron, de jute et de feuilles de maïs.
Le bois est le nouveau béton
Parmi les matériaux de construction traditionnels, le béton demeure le plus largement utilisé en raison de ses propriétés techniques et de sa polyvalence. Il fait cependant l’objet de critiques en raison de son impact écologique. Ce n’est pas le cas du bois, qui est un matériau circulaire. Il affiche de meilleures performances environnementales et contribue à la réduction des émissions de CO2. Le bois lamellé croisé (cross laminated timber ou CLT en anglais), par exemple, est un matériau rigide, polyvalent, et il gagne en popularité dans les constructions durables. Diverses solutions sont explorées aujourd’hui pour réduire l’impact environnemental du béton ou pour augmenter sa circularité, même si ces innovations font souvent face à l’absence d’un cadre normatif qui inspire une confiance suffisante. Il ne fait aucun doute que d’autres solutions innovantes verront le jour à l’avenir, notamment dans le contexte de la transition vers une économie circulaire.
Des matériaux imprimés en 3D
Les défis du secteur de la construction comprennent, entre autres, la nécessité de gérer plus efficacement ses ressources, de consommer moins d’eau, de réduire ses émissions de CO2 et ses déchets tout en maintenant des coûts abordables. Les nouvelles technologies réussissent à répondre à ces enjeux, par exemple par l’impression en 3D de structures en béton ou en briques. L’exposition ’The Exploded View Beyond Building’ a mis en avant des impressions réalisées grâce à l’épuration des eaux. En effet, une entreprise a mis au point un procédé permettant de récupérer la cellulose des eaux d’égout pour la transformer ensuite en matériau de finition.