Il est essentiel de répercuter la hausse des coûts
Dans un contexte difficile, le nombre d’entreprises de transport, de chauffeurs de camion indépendants et de PME comptant quelques employés a diminué. Néanmoins, ceux qui ont pu compter sur la compréhension de leurs donneurs d’ordre gardent un bon souvenir de l’année écoulée et entament 2024 positivement et pleins d’espoir. Mais il n’est pas encore question d’une transition massive vers les véhicules électriques. - Wout Ectors
Alors que l’économie se redressait lentement après la crise du coronavirus, l’offre a mis un certain temps à se rétablir. La nouvelle dynamique de la chaîne de production a suscité des espoirs dans le secteur de la construction et dans celui des transports, mais ils ont été vite anéantis. Une crise énergétique majeure a soudain éclaté avec une montée en flèche des prix des carburants. Cette crise a été aggravée par l’invasion de l’Ukraine par la Russie. L’inflation et les taux d’intérêt ont augmenté de plus belle, ajoutant une pression importante sur les flux d’importation et d’exportation. Une époque incertaine pour les entreprises de transport donc, et rien ne laissait présager un rééquilibrage complet l’année dernière. On se demande donc si tous les petits indépendants présents dans le paysage logistique belge ont réussi à garder la tête hors de l’eau en 2023.
Aujourd’hui, trois quarts des entreprises de transport sont des entreprises individuelles ou de petites PME qui comptent moins de 5 collaborateurs. Cette proportion est assez élevée, mais connaît tout de même une baisse puisqu’un an auparavant, elle s’élevait encore à 85 %. La part des transporteurs sans personnel dans l’ensemble des acteurs du secteur est passée de 63 % à 47 %.
Tom Lopez (LT Europe Cargo), 47 ans, a décidé il y a 9 ans, de se lancer comme chauffeur indépendant. Chaque semaine, il achemine des marchandises vers l’Espagne ou le Portugal pour son donneur d’ordre fixe. Il ne relève que peu de signes inquiétants et qualifie la situation de relativement stable. Il note toutefois une évolution surprenante. « Ceux qui se lancent encore comme indépendants ont souvent la vingtaine. Les gens de mon âge se décident moins vite », explique-t-il.
Jens Creupelandt fait partie de ces jeunes entrepreneurs qui ont fondé leur propre entreprise de transport. Creupelandt Jens Transport est spécialisée dans la construction de routes et compte deux camions et un chauffeur supplémentaire. « Il y a un va-et-vient : de plus en plus de jeunes deviennent chauffeurs indépendants, tandis que d’autres abandonnent le métier. Ce marché est très dépendant de la demande. Si l’économie renaît, de nouvelles entreprises vont voir le jour », déclare Jens Creupelandt.
Répercuter la hausse du prix des carburants
Quand Jens Creupelandt revient sur l’année 2023, il constate que dans le secteur des transports, les problèmes ont en grande partie disparu. « Par rapport à 2022, l’impact de la guerre sur nos activités a baissé et les prix se sont légèrement stabilisés. Grâce notamment aux conditions météorologiques favorables, ce fut une belle année, bien chargée pour nous », poursuit-il.
Tom Lopez est lui aussi satisfait de l’année écoulée. « Les prix du diesel sont restés très élevés pendant un moment, mais ont ensuite commencé à baisser. Dans notre secteur, il est crucial de pouvoir répercuter la hausse des prix sur notre donneur d’ordre. J’ai la chance de collaborer avec quelqu’un qui connaît bien cette situation difficile et qui est très indulgent. » Steve Bogaert (Stevetrans) est du même avis. Il a lancé son entreprise individuelle, possède aujourd’hui un parc de 12 véhicules et emploie une équipe fidèle de chauffeurs. Il compense les fluctuations des prix par un supplément sur le diesel. « Nous maintenons la rentabilité en le recalculant chaque mois », précise-t-il
Il est aussi très important pour Jens Creupelandt de fixer correctement les prix. « Nous restons fermes en demandant toujours un prix qui nous permet de couvrir nos coûts tout en conservant une belle marge bénéficiaire. C’est important, y compris pour les réinvestissements. Souvent les chauffeurs indépendants doivent arrêter leur activité parce qu’ils ne sont pas en mesure de défendre leurs intérêts auprès de leurs clients. Le donneur d’ordre ne peut en aucun cas décider des prix », développe-t-il.
L’ère de l’électrification : on y est ?
La durabilité devient progressivement plus qu’un mot à la mode dans divers secteurs, et il en va de même pour celui du transport. Les normes européennes d’émissions incitent DAF, Scania, etc. à innover et à investir dans les véhicules écoénergétiques. L’électrification semble être la prochaine étape logique, et les constructeurs lancent les uns après les autres des camions électriques sur le marché. Toutefois, compte tenu de l’investissement nécessaire et du fait qu’aujourd’hui encore, la plupart des entreprises de transport sont des acteurs de petite taille, il est très improbable que de tels véhicules envahissent les routes. Reste à voir si la question de la durabilité déclenchera une vague de consolidation, et dans quelle mesure.
Tom Lopez en est persuadé : pour un petit indépendant, un camion électrique est inabordable. « Le coût d’un tel camion est de 200 à 300 % plus élevé, mais aucun client n’est disposé à payer cette somme. C’est pourquoi les banques ne voudront pas vous octroyer de prêt. Seules les très grandes entreprises de transport achètent quelques véhicules, non pour les conduire mais pour en faire étalage. En plus du coût, une autre donnée intervient : l’installation de bornes de recharge. C’est ce qu’il faudra régler en premier lieu. Durant de longs trajets, vous devez évidemment pouvoir recharger votre camion électrique », poursuit-il.
Jens Creupelandt s’interroge aussi quant aux frais liés aux camions électriques et à leur autonomie. « Si vous êtes une grande entreprise, vous pouvez compter sur une aide de l’État pour votre parc de véhicules, mais en tant qu’indépendant, il vous est pour le moment impossible d’opter pour des camions électriques. Et cela n’est pas non plus idéal de devoir brancher un camion de transport exceptionnel à un câble après 200 km », ajoute-t-il. Steve Bogaert partage son point de vue : « Comme de plus en plus de clients s’interrogent à ce sujet, je me suis rendu chez Volvo pour en parler. Mais je ne suis pas encore convaincu. Le montant de l’investissement me freine et ça me semble aussi trop tôt. Dès que les conditions seront réunies, nous serons partants. »
Il semble que les pronostics pour 2024 soient bons. Si les prix de l’énergie continuent de baisser et que les prix des camions et des matériaux entrent également dans une spirale descendante les chauffeurs n’anticipent pas de problèmes majeurs.