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Flexi-job : Solution miracle ou destructeur d’emploi ?

Depuis le début de l’année, le système des flexi-jobs est étendu à de nombreux secteurs supplémentaires. Mais le transport n’en fait toujours pas partie. Pour les syndicats, c’est tout à fait normal, mais les sociétés de transport, en revanche, sont demandeuses. Nous avons confronté les deux points de vue. - Frederic Petitjean

Instauré en 2015 par le gouvernement Michel, le système des flexi-jobs visait à lutter contre le travail au noir, très répandu dans le secteur de l’horeca, mais il était aussi considéré comme un moyen de rendre notre marché de l’emploi plus flexible, de résoudre les pénuries de personnel et d’autoriser certaines catégories de la population à arrondir leurs fins de mois de manière fiscalement avantageuse. Depuis lors, en plus de l’horeca, le secteur des soins de santé, par exemple, est très friand de ce régime. D’après les chiffres de l’ONEM, le nombre de flexi-jobs a plus que doublé en Belgique entre début 2019 et début 2023, passant de 54.000 à plus de 121.500 flexi-jobistes. Les analyses publiées par le secrétariat social SD Worx en octobre dernier montrent que deux restaurants et cafés sur trois emploient des flexi-jobistes, mais aussi la moitié des hôtels et un quart des boulangeries et des commerces de détail. Le système est utilisé presque exclusivement par des PME qui emploient moins de cinquante travailleurs et principalement pour faire face aux pics d’activité.

Concrètement, le régime du flexi-job est destiné à des pensionnés ou à des salariés qui travaill(ai)ent déjà au moins à 4/5e temps, les chômeurs ne pouvant pas accéder au dispositif. Le grand avantage est que le flexi-salaire est entièrement exonéré de précompte professionnel et de cotisations sociales et, dans la plupart des cas, il n’est pas non plus soumis à l’impôt. Dans la plupart des cas car, depuis cette année, le législateur a prévu un plafond : l’exonération fiscale ne s’applique qu’à une première tranche de 12.000 euros sur base annuelle. Tout ce qui dépasse ce montant est imposé. Mais cette mesure ne concerne pas les pensionnés. Ils peuvent toujours bénéficier de revenus d’appoint illimités, sauf s’ils ont moins de 65 ans. Dans ce cas, ils sont soumis aux plafonds de revenus en matière de travail autorisé.

Le transport espère engager des pensionnés

Les pouvoirs publics serrent la vis d’un côté et la desserrent de l’autre, car la fiscalité plus stricte s’accompagne d’un élargissement significatif du nombre de secteurs dans lesquels les flexi-jobs sont autorisés. Les brasseries, les boucheries, les garages, les garderies d’enfants, les sociétés de déménagement et les entreprises de pompes funèbres, notamment, sont autorisés à engager des flexi-jobistes depuis cette année. Sauf si les partenaires sociaux ont décidé d’un opt-out et convenu que ce type d’emploi ne sera pas admis dans (une partie de) leur secteur. Opt-out ou non, on ne trouvait aucune trace du transport dans la dernière liste des secteurs autorisés. Les transporteurs demandent pourtant avec insistance de pouvoir également recourir à ce système. Les flexi-jobs seraient très utiles, notamment, pour répondre aux fortes fluctuations de l’activité auxquelles ils sont confrontés, affirme Febetra, la fédération professionnelle des transporteurs routiers. « Les flexi-jobs offrent aussi une solution pour introduire plus de flexibilité du travail dans le secteur et pour s’attaquer au problème de la pénurie de personnel », dit Philippe Degraef, directeur de Febetra. « Il est assez difficile, par exemple, de trouver des chauffeurs qui veulent approvisionner les supermarchés le samedi, simplement parce que la plupart d’entre eux préfèrent passer leur week-end à la maison. Les retraités qui possèdent un permis poids lourd pourraient parfaitement s’en charger. Ils constituent donc pour nous le groupe cible principal pour les flexi-jobs. »

Philippe Degraef précise qu’il y a plus de 5.000 postes vacants dans le secteur du transport routier. Et ce chiffre a déjà été plus élevé, avant que l’activité économique ralentisse légèrement. « Mais dès que les activités reprendront, ce chiffre repartira assurément à la hausse. Enfin, le transport est aussi confronté à une forte vague de vieillissement, car l’âge moyen est élevé dans notre secteur et beaucoup de chauffeurs partiront à la pension dans les prochaines années. Actuellement, le flux des personnes entrant dans le métier n’est pas suffisant pour compenser les départs. »

Augmenter les salaires

Tout le monde n’est cependant pas fan des flexi-jobs. Le syndicat socialiste FGTB-UBT, notamment, serait plutôt partisan de leur disparition. « L’idée que les flexi-jobs créent de l’emploi est une illusion », affirme le président de l’UBT Frank Moreels. « Ce système est destiné à des personnes qui travaillent déjà ou qui sont à la retraite, il ne génère donc aucune entrée supplémentaire sur le marché de l’emploi. Un chômeur n’y a pas accès. Évidemment qu’il y a une pénurie de personnel dans le transport, mais au lieu de créer des flexi-jobs, ils devraient augmenter les salaires et ainsi rendre le métier plus attractif. Le transport est déjà un secteur qui s’appuie beaucoup sur des contrats temporaires et qui offre donc peu de sécurité d’emploi. En principe, la pénurie sur le marché du travail devrait conduire à des salaires plus élevés, mais à cause de tous les intérims, les flexi-jobs, les jobs d’étudiant et la main-d’œuvre étrangère, cette pénurie est en partie compensée sans devoir augmenter les salaires et sans la moindre contribution à la sécurité sociale. »

Non seulement les flexi-jobs ne créent pas d’emplois supplémentaires, mais pire encore, les flexi-jobs détruisent des emplois fixes, selon Frank Moreels. « Les chiffres le démontrent : dans l’horeca, plus d’un tiers des emplois réguliers ont disparu au profit de flexi-jobs et de jobs d’étudiant. Nous le constatons aussi dans le transport scolaire, par exemple. Dans ce secteur, beaucoup de gens ont été licenciés et remplacés par des pensionnés qui coûtent moins cher. »

Élections

Frank Moreels estime donc que ce sont les employeurs qui tirent les principaux avantages de ce système. « La seule chose que produisent les flexi-jobs, c’est de la main-d’œuvre bon marché. Je ne veux surtout pas nier que les coûts salariaux sont élevés en Belgique, mais les flexi-jobs ne résolvent en rien le problème. Seule une profonde réforme fiscale pourrait apporter une solution. Et des conséquences inattendues attendent aussi les personnes qui entrent dans le dispositif. Voici un exemple très concret : un travailleur est victime d’un accident du travail dans le cadre de son flexi-job. Il se retrouve dans l’incapacité d’exécuter tant son emploi régulier que son flexi-job. L’employeur de son poste régulier lève les mains au ciel et s’écrie : ce n’est pas un accident du travail, cela ne me concerne en rien. Le salarié retombe sur la mutuelle et se voit évidemment rémunéré sur la base de son flexi-job. »

Pour Philippe Degraef, une érosion de la sécurité sociale n’est pas du tout une raison pour ne pas instaurer le système des flexi-jobs. « Nous payons déjà tellement de cotisations sociales que je ne pense pas que les flexi-jobs feront une grande différence », dit-il. « Quoi qu’il en soit, l’introduction des flexi-jobs dans le secteur du transport n’est pas pour demain. Il n’y aura plus aucun changement avant les élections de juin. Ce qui arrivera ensuite dépendra surtout de ces élections et des partis qui formeront la majorité. »

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