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En Marge du Top Transport

COVER TRENDS TOP TRANSPORT 200 FRSi le Covid a donné des ailes au commerce en ligne et dès lors au transport routier, le démarrage de celui-ci vers la transition écologique est plus lent. (Tony Coenjaerts)

Dans notre pays, le cap des 10.000 entreprises de transport professionnel routier, a été, activités de poste et de courrier exclues, franchi dès 2020 et s’établit au 31 décembre de l’année dernière à 10.806 unités qui se partagent 89.304 véhicules moteurs, ce qui représente un accroissement de 10 % par rapport à 2020. Faut-il dès lors s’étonner si dans notre pays quelque 5.000 volants attendent preneur ? La pénurie de chauffeurs est certes mondiale mais avec un tiers de conducteurs âgés de plus de 55 ans, l’Europe est particulièrement touchée et comme 7 %  à peine des jeunes conducteurs y sont âgés de moins de 25 ans, la relève est loin d’être assurée. C’est la raison pour laquelle un groupe comme H. Essers a inauguré, fin de l’année dernière, un centre de formation interne (H. Essers Academy) dans lequel seront formés des conducteurs de chariots élévateurs et de camions. Le groupe construit actuellement à Lommel, 150.000 mètres carrés d’entrepôt pour produits chimiques, qui viendront s’ajouter aux 600.000 déjà possédés par Essers dans ce secteur en pleine croissance qui assure aujourd’hui la moitié du chiffre d’affaires consolidé du groupe : 925 millions d’euros (+ 19 %), dont deux tiers réalisés dans notre pays. Fin 2021, Essers occupait plus de 5.000 personnes.

Electricité

Si l’immatriculation des voitures électriques (37.760 en 2022) tend à rattraper celle des voitures actionnées au diesel (54.759), les camions électriques en revanche, sont plus lents à démarrer. Les calendriers, il est vrai, sont différents. Si à partir de 2035, la vente de voitures et de camionnettes thermiques neuves ne sera plus autorisée, pour les camions, aucun interdit européen ne sera jeté avant 2040. Certes, la France a déjà voté une Loi Climat fixant à 2040 « la fin de commercialisation des poids lourds utilisant principalement des énergies fossiles » mais cette définition est suffisamment vague pour autoriser des poids lourds hybrides. S’y ajoute le fait qu’en matière de voitures, le gouvernement joue à fond la carte du forcing fiscal sans trop se préoccuper des problèmes d’autonomie et d’infrastructure posés par cette nouvelle source d’énergie, à tel point que nombre d’entreprises ont dû prévoir dans leur car policy la mise à disposition de véhicules à carburant traditionnel afin que les bénéficiaires d’une voiture de société puissent gagner leur lieu de vacances en toute quiétude. Electricité et distance, en effet, ne font pas bon ménage. C’est la raison pour laquelle les premières initiatives dans le domaine de poids lourds portent sur des véhicules de livraison appelés à couvrir moins de 200 kilomètres dans la journée et rechargeables en énergie durant la nuit.

Au cours de l’été, AB Inbev passait la première commande de masse du pays – 10 Volvo FE Electric – , bientôt suivi par Coca-Cola avec 30 Renault E-Tech D et D wide dont les premiers exemplaires roulent déjà dans la région d’Anvers et surtout la société de transport maritime et routier danoise DFDS qui a pris possession à Gand du premier Volvo FH Electric. Premier d’une série de 125 commandés, ce camion transportera des pièces du terminal gantois de DFDS vers l’usine de Volvo Cars à Gand. Les camions eux-mêmes, d’un PTR (poids total roulant) de 44 tonnes, seront produits par Volvo Trucks Gand, première usine au monde à se lancer dans la production en série de pareils poids lourds. Quelque 75 millions d’euros y seront également investis dans la fabrication de batteries, actuellement assemblées au départ de composants venus de Suède. Mais cela va changer. Dès 2025, une première ligne de fabrication complète devrait être opérationnelle à Gand. Avec 145.195 poids lourds construits, Volvo a connu en 2022 la meilleure année de son histoire.

Hydrogène

Bonne année également pour Daf Trucks avec une production record de 68.000 poids lourds. Daf Vlaanderen, où la production de cabines a augmenté en 2021 de 30 % par rapport à 2020 a été sacré l’année suivante The Happiest Place to Bike. Un tiers des 3.000 travailleurs y participe en effet au plan de location de vélos élaboré par l’entreprise. A Roulers, VDL vient de mettre en route, en ce début d’année, une nouvelle ligne de production de bus, un marché qui tend à se redresser après la dégelée subie en 2020 lorsque les immatriculations (655) avaient baissé de près de moitié. En 2021, elles ont retrouvé du tonus essentiellement grâce à la montée en puissance (+ 43 %) des commandes municipales. Avec 58 immatriculations, le secteur des loisirs (- 58 %) reste manifestement à la traîne.

Van Hool, en revanche, ne participe pas à cette euphorie générale. Les années 2020 et 2021 ont été lourdement déficitaires et comparé à 2019 (625 millions), le chiffre d’affaires 2021 a été divisé par 2,5 ! Le groupe a enregistré, il est vrai, un coup dur aux Etats-Unis avec l’annulation, en 2020, d’une commande de 300 bus pour l’exécution de laquelle d’importants montants avaient déjà été engagés. Depuis 2022, Van Hool ne construit plus que des bus électriques, des bus roulant à l’hydrogène ou des trolleybus munis d’un câble aérien.

Réservé aux véhicules lourds, l’hydrogène peut constituer une alternative intéressante dans la mesure où ce type de véhicule ne rejette dans l’atmosphère que de la vapeur d’eau. Colruyt a été le premier en Europe à tester un poids lourd de 44 tonnes fonctionnant à l’hydrogène, c’est-à-dire un véhicule à propulsion électrique dont l’énergie est fournie par une pile à combustible qui produit de l’électricité grâce à une réaction chimique obtenue en combinant l’hydrogène stocké dans un réservoir avec l’oxygène de l’air.

Variantes

Une variante moins coûteuse a été développée par CMB Tech, filiale de l’armement du même nom. Ce sont les camions bicarburation diesel/hydrogène dont le premier exemplaire, livré au transporteur Van Moer, alimente depuis octobre 2021 les magasins du réseau Delhaize. Van Moer, dans le capital duquel le holding anversois Ackermans & van Haaren (AvH) est entré en 2021 à hauteur de 21,7 %, multiplie les acquisitions et a réalisé en 2021 un chiffre d’affaires de 224 millions d’euros. Pionnier en la matière, CMB Tech filiale de l’armement du même nom, a inauguré en 2017 déjà le premier navire de haute mer au monde équipé d’un moteur à hydrogène, L’Hydroville. Poursuivant sur sa lancée, CMB Tech vient d’ouvrir un premier atelier de conversion de moteur diesel en bicarburation diesel-hydrogène d’une capacité de vingt véhicules par mois. Les premiers camions transformés devraient en sortir en mars de cette année.

Convaincu de l’avenir de l’hydrogène en tant que moyen de propulsion, le groupe hollandais Beukers, spécialisé dans la réparation automobile, a investi en 2017 déjà, à Lommel en Limbourg, quatre millions d’euros dans la production de véhicules à hydrogène mais reste prudent. Le coût de pareils poids lourds restant nettement supérieur à celui des camions traditionnels, E-Trucks Europe a ciblé comme créneau de départ, les institutions soucieuses de leur image et a commencé à produire des utilitaires, essentiellement des camions-poubelles à destination de municipalités hollandaises. La ville d’Anvers en possède deux.

Sur la route, le citernier Vervaeke, spécialisé dans le transport de produits chimiques, a commandé son premier camion à hydrogène auprès de l’Américain Hyzon Motors. Ce dernier a déjà livré aux Pays-Bas un premier mastodonte de 55 tonnes qui y assure la collecte de lait pour Friesland Campina. Afin d’accélérer l’avènement de ce type de carburant, le gouvernement flamand a doublé au cours de l’été 2022 la prime écologique accordée à l’hydrogénisation de poids lourds et dans la foulée, a supprimé celle encourageant leur conversion au gaz naturel liquide (LNG) ou compressé (CNG). Côté futur toujours, la Flandre possède à Niel, près d’Anvers, le plus grand centre d’innovation logistique d’Europe dans lequel des nouvelles technologies peuvent être expérimentées.

Dans le ciel aussi

Dans le sillage de ces véhicules électriques s’organise une « chasse aux batteries » avec des projets d’investissement dont le montant donne le tournis. La Wallonie pourrait ainsi accueillir dès 2025, à Seneffe, une méga-usine de batteries lancée par Abee (Avesta Battery and Energy) dont l’animateur est Omar Noshin, un temps directeur du Battery Innovation Center de la VUB.

Les petits ont néanmoins leur mot à dire. Afin de sécuriser la chaîne de froid lors du transport de médicaments, Raes Pharmaceutical Logistics (RPL) a fait breveter pour ses camionnettes, un système de refroidissement alimenté de manière autonome par des panneaux solaires couplées à une batterie au lithium. A Genk, Solithor, une start-up née dans le giron du centre de recherches louvaniste IMEC, développe via le recours aux nanotechnologies, des batteries à électrolyte solide au lithium avec l’ambition de les faire voler. Un partenariat a en effet été conclu avec la Sonaca wallonne qui aimerait inclure ce type de batterie dans le cadre d’une future mobilité aérienne urbaine.

Retombées ukrainiennes

S’ils permettent le contrôle de nombreuses fonctions électroniques, les faisceaux de câbles n’en sont pas moins des composants simples, à faible marge, dont une partie importante de la production se trouve localisée en Ukraine et plus d’un assembleur s’est ainsi trouvé confronté à un manque de pièces. Autre conséquence de ce conflit :  Gefco, une ancienne filiale du groupe Peugeot – aujourd’hui Stellantis – a dû se débarrasser d’un actionnaire encombrant, en l’occurrence, les chemins de fer russes (RZD), placés sous sanctions internationales et détenteurs de 75 % du capital de ce groupe qui a réalisé en 2021 un chiffre d’affaires consolidé de 4,2 milliards d’euros. Une paille pour son nouvel actionnaire, le groupe français CMA CGM, qui a réalisé au terme d’une « année phénoménale », un chiffre d’affaires consolidé de 56 milliards de dollars et un bénéfice net de 17,9 milliards. Dans notre pays, CEVA et Gefco réalisent ensemble un chiffre d’affaires d’environ 250 millions d’euros. Une autre filiale de chemin de fer se trouve également à l’étalage : DB Schenker, fille de la Deutsche Bahn, qui vient de fêter son 150ième anniversaire et a réalisé dans notre pays un chiffre d’affaires de 311 millions d’euros, en progression de près de 50 %.


 

Cet article est paru dans le Top Transport qui est disponible en PDF.

 

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