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En Marge du Top 5.000 - Dernier bilan d'avant Covid

Hier connue des seuls initiés par sa Duvel, la localité de Puurs, au sud d’Anvers, est aujourd’hui célèbre dans le monde entier. C’est en effet là que sont produits par millions de doses, les vaccins qui doivent nous protéger du coronavirus. (Tony Coenjaerts)

Upjohn y avait installé en 1963 déjà une unité de production pharmaceutique mais a fini, de fusion en reprise, par se retrouver dans le giron de l’Américain Pfizer. Modernisée à grand renfort d’investissements, l’usine de Puurs produit notamment, à partir de 2015, le Prevenar 13, un vaccin contre les affections à pneumocoques qui aujourd’hui encore est le bestseller du groupe. Avec un chiffre d’affaires mondial de 5,8 milliards de dollars, ce vaccin assure en effet à lui seul, 90 % du chiffre d’affaires (6,5 milliards) de la division vaccins du groupe. Toutes activités confondues, Pfizer a terminé l’exercice 2019 avec un chiffre d’affaires de 51,7 milliards de dollars et possède dans notre pays, à Zaventem, son deuxième plus grand centre de distribution au monde.

Le choix du site de Puurs pour approvisionner l’Europe en vaccins donnera indubitablement un coup de fouet à ce secteur phare de notre industrie manufacturière qui a enregistré par rapport à 2013 une croissance de 21 % en termes de chiffre d’affaires.     En regard, l’industrie chimique fait pâle figure avec un recul de 6,8 % au cours de la même période. D’où la tentation de présenter les deux en package: la croissance atteint alors 1,4%.

Alertes centenaires

Notre seconde locomotive manufacturière est l’industrie alimentaire avec une croissance de 12,3 % par rapport à 2013 et de 14,22 % si l’on y ajoute les boissons. Dans ce secteur, de nombreuses entreprises se sont une nouvelle fois distinguées. Puratos, par exemple, qui a fêté son centième anniversaire en franchissant en 2019 le cap des deux milliards de chiffre d’affaires. Toujours familiale, cette entreprise née dans un garage de Bruxelles avec l’ambition de simplifier la vie des boulangers et des pâtissiers, est aujourd’hui devenue l’un des principaux fabricants mondiaux d’ingrédients. Résolument tournée vers le futur, cette vaillante centenaire vient de prendre la tête d’un consortium chargé d’étudier comment faire du pain sur Mars !Quatre conteneurs à atmosphère spéciale ont été installés à cet effet à Grand-Bigard, au siège de l’entreprise. L’industrie alimentaire, il est vrai, évolue à une vitesse supersonique. A Hamme-Mille, une start-up, Ray & Jules, vient de se lancer dans la torréfaction de café par énergie solaire. Premier fabricant mondial de produits à base de chocolat, Barry-Callebaut vient d’ouvrir le premier studio d’impression de chocolat 3D au monde. Se souvenant de ses origines – tout a en effet commencé en 1911 à Wieze – le chocolat mis en œuvre est bien évidemment belge. Le premier client de ce nouveau studio baptisé Mona Lisa est la chaîne hôtelière hollandaise Van der Valk, fort présente dans notre pays.

Le consommateur aussi a changé. Face à la demande accrue des flexitariens, en réalité des végétariens à temps partiel, l’usine de Rotselaar, le plus grand site de production de yaourts du groupe Danone, est devenue hybride. Elle produit désormais à la fois des Actimel à base de lait et de produits végétaux. Inventé en 1994, Actimel est un produit belge mais le cache bien. Seuls les initiés savent en effet qu’Actimel est la contraction d’actieve melk. Le groupe lui-même tire son nom de Danon, diminutif catalan de Daniel, fils d’Isaac Carasso qui, après avoir quitté Thessalonique devenue grecque, fonde en 1919 à Barcelone sa première usine de yaourt avec pour ambition « d’apporter la santé par l’alimentation ». Devenu par la suite PDG d’un groupe qui réalise aujourd’hui un chiffre d’affaires consolidé de 25 milliards d’euros, Daniel vivra 103 ans…

Mainmise hollandaise

Deux autres secteurs ont été fort remuants au cours de l’année sous revue. Celui des aliments pour bétail tout d’abord où la mainmise hollandaise s’est considérablement accrue. Le rapport de forces, il est vrai, est fort inégal. Autant ce secteur est concentré aux Pays-Bas où deux géants Agrifirm et For Farmers se disputent en permanence le leadership, autant ce même secteur est dans notre pays, morcelé. Le premier s’est ainsi offert Quartes, une division du très discret groupe Versele (CA consolidé 695 millions), engrangeant au passage trois sites de production : Roulers, Hasselt et Deinze. Le second avait, en 2018 déjà, pris le contrôle de Voeders Algoet. En consolidé, ces deux géants atteignent ensemble 4,5 milliards de chiffre d’affaires, soit plus des deux tiers du chiffre d’affaires annuel (6,7 milliards en 2019) du secteur dans notre pays. Face à ce qu’il faut bien appeler une invasion, la résistance s’organise via la seule voie possible : la consolidation. Denys et Decadt ont ainsi uni leurs forces et après avoir pris fin 2018 le contrôle de Cibus, Leivoeders a récidivé un an plus tard en mettant la main sur Klaasen & Co, ce qui devrait propulser le chiffre d’affaires du groupe ainsi constitué à 185 millions d’euros.

Des métaux recyclables à l’infini

Un autre secteur a connu quelque agitation au cours de l’exercice sous revue, celui des non-ferreux, dont les réserves commencent à s’amenuiser. Ces métaux sont en effet recyclables à l’infini sans que leur qualité ne s’en trouve altérée. D’où de grandes manoeuvres pour déjà se positionner et aussi, de grands appétits. L’Allemand Aurubis, première entreprise de raffinage de débris de cuivre au niveau mondial, a dans ce contexte jeté son dévolu sur Métallo, une entreprise spécialisée dans le recyclage de matériaux à faible teneur en cuivre, zinc, plomb, etc. et de la sorte, renforcé considérablement son implantation belge. En 2008 en effet, Aurubis s’était déjà emparé de Cumerio, une entité dans laquelle Umicore avait logé trois ans auparavant ses activités cuivre et qui poursuit aujourd’hui son parcours en tant qu’Aurubis Belgium. En consolidé, Aurubis réalise un chiffre d’affaires de 12,4 milliards d’euros.

Le mystérieux milliardaire anglo-indien Sanjeev Gupta s’est porté acquéreur d’Aleris. Basée à Duffel en province d’Anvers, cette entreprise fondée au lendemain de la guerre (Sidal) produit des plaques d’aluminium pour l’industrie automobile. Rebaptisée Alvance, Aleris a été intégrée dans le pilier aluminium de ce groupe familial (GFG) qui pèse une vingtaine de milliards de dollars et possède également un pôle acier. C’est Liberty, qui a racheté au cours de l’été 740 millions d’actifs à Arcelor-Mittal, parmi lesquels les sites liégeois de Tilleur et de Flémalle.

Tout comme elle l’avait fait pour le cuivre en 2005, Umicore s’est désengagée deux ans plus tard du zinc en constituant à parts égales avec l’Australien Zinifex, premier producteur mondial de ce métal, la société Nyrstar. Ce sera un des plus beaux échecs boursiers de la place de Bruxelles avec un cours qui a végété entre 10 et 20 centimes tout au long de l’année écoulée et en bout de course, l’absorption de cette vénérable entreprise dont les racines remontent à 1889 par le groupe suisse Trafigura, un trader en matières premières à l’ascension fulgurante. Constitué dans les années nonante, Trafigura a en effet réalisé en 2020 un chiffre d’affaires de 147 milliards de dollars.

Palaces roulants

Le secteur de la construction et de l’assemblage de véhicules automobiles a retrouvé en 2019 quelques couleurs. Certes, les temps ne sont plus où le nombre de véhicules assemblés par habitant était dans notre pays le plus élevé du monde. Il y reste toutefois deux ténors : Audi à Bruxelles et Volvo Cars à Gand. Le premier a augmenté son chiffre d’affaires de 110 %, passant de 1,1 à 2,4 milliards d’euros suite au changement de modèle. Après avoir été produite à plus de 900.000 unités, la dernière A1 a quitté les chaînes de Forest pour faire place à l’e-tron, le premier SUV 100 % électrique conçu par Audi. Cette mutation a nécessité une reconfiguration de l’usine doublée d’un investissement de l’ordre de 600 millions d’euros et a fait des jaloux : la Landjet, futur vaisseau amiral du groupe appelée à remplacer l’A8 ne sera pas produite à Bruxelles mais à Hanovre. Le second a vu son chiffre d’affaires progresser de 9,8 %. Pour la dixième année consécutive, cette filiale du Chinois Geely a produit plus de 200.000 voitures et investi en cours d’exercice 123 millions d’euros pour préparer la mise en production fin 2020, de la XC40 électrique.

Jamais en retard d’une innovation, Van Hool a vu son chiffre d’affaires progresser de 11,6 % et propose désormais des autocars équipés d’un système de purification d’air virucide qui peut également être installé en post-équipement sur les véhicules existants. La demande de bus électriques ayant explosé, VDL a multiplié son chiffre d’affaires par 2,5 et de la sorte engrangé son premier bénéfice net depuis 2012. Jouant à fond cette carte, le groupe construit actuellement à Roulers une nouvelle usine appelée à devenir un centre d’e-mobilité. En matière de véhicules spéciaux (Mol, Stas, Faymonville,…) nous possédons un indéniable savoir-faire, ainsi que dans certaines niches. Partant du principe que les cavaliers doivent pouvoir dormir confortablement sur le chemin des tournois, le groupe Stephex, une référence en matière équestre, s’est par exemple lancé avec succès dans la construction de palaces sur roues au départ d’usines situées en Hongrie. 

Tout cela, bien sûr, c’était avant. Le coronavirus a entraîné l’industrie automobile mondiale dans une crise historique. Pour l’Europe, le continent le plus impacté, le recul est d’environ 28 %. Avec quelque 425.000 immatriculations de voitures neuves, notre pays a enregistré en 2020 les chiffres les plus bas depuis plus de 20 ans.

On aurait pu croire que le confinement et son corollaire logique, la livraison à domicile, allait en revanche booster la vente d’utilitaires. Il n’en a rien été. En 2020, les immatriculations de camionnettes ont reculé de 12 % et celles de poids lourds, de 37 %. Ces marches-arrière n’augurent rien de bon. En 2019 déjà, Volvo Trucks, dans le capital duquel le Chinois Geely intervient pour 8,2 %, a vu son chiffre d’affaires chuter de 8,8 %. DAF Trucks Vlaanderen, filiale de l’Américain Paccar de son côté, enregistre un recul en volume de 9,3 %. Piètre consolation, l’acheminement des vaccins au départ de Puurs aura braqué les projecteurs du monde entier sur l’entreprise chargée de les transporter, le groupe Essers, premier logisticien du pays avec un chiffre d’affaires consolidé de 772 millions, qui lui aussi innove en installant des panneaux solaires sur le toit de ses camions afin de rendre leur électronique plus verte. Deux véhicules ainsi harnachés circulent déjà. Si l’expérience se révèle concluante, une grande partie de la flotte de ce géant limbourgeois sera « solarisée ».

La facture du Covid

Quel sera l’impact financier de l’actuelle pandémie sur notre industrie manufacturière ? Les premiers dégâts pourront être quantifiés d’ici quelques semaines au fur et à mesure que seront clôturés les comptes de l’exercice 2020 et tout comme après la crise bancaire et financière de 2008, le rétablissement risque d’être long. Il a en effet fallu patienter jusqu’en 2017 pour voir une majorité de nos secteurs manufacturiers atteindre leur plus haut niveau de production depuis 2008. Ces sommets, qui témoignent certes d’une évolution positive, restent toutefois pour la moitié des dix-huit secteurs traditionnellement étudiés par le SPF Economie en deçà du niveau atteint en 2018. Un seul secteur, le textile, a atteint en 2019 son niveau le plus bas depuis 2008. La même tendance se vérifie hélas au niveau européen et se traduit dans notre pays par quelques solides reculs boursiers (Ontex, Balta), voire une intention de quitter la Bourse (Sioen). Et le Brexit viendra indubitablement compliquer les choses. Pour nos textiles d’intérieur, le marché le plus important est en effet la Grande-Bretagne.

 

Cet article est paru dans le Top Industrie, qui est disponible en PDF.

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