En Marge du Top Construction : D’un groupe à l’autre
Un rapide coup de projecteur sur les principaux groupes de construction actifs dans notre pays, sur la base des comptes annuels consolidés disponibles. (Tony Coenjaerts)
Ce classement est, comme à l’accoutumée, emmené par nos deux dragueurs nationaux qui tous deux affichent un sourire éclatant face à l’ampleur de leur carnet de commande : 6,1 milliards d’euros fin 2022 pour DEME ; 6,45 milliards pour Jan De Nul qui enregistre de la sorte un bond de 45 %. Tous deux seront appelés à travailler ensemble afin de permettre à Elia de construire, à 45 kilomètres de nos côtes la première île énergétique artificielle au monde constituée de caissons de béton remplis de sable. Couvrant six hectares, elle servira de hub énergétique pour raccorder de nouveaux parcs éoliens et de futures interconnexions avec le Royaume-Uni et le Danemark au réseau national. L’île devrait émerger en 2026 et ses installations, entrer en service dès 2030. Juridiquement séparée de sa maison mère DEME par une introduction en Bourse (juin 2022) CFE a inauguré avec Wood Hub, son nouveau siège social, le bâtiment de bureau réputé le plus durable de Bruxelles. En 2022, CFE a réalisé un chiffre d’affaires de 1,167 milliard d’euros.
Pour Willemen, hier encore premier groupe familial de construction du pays, l’année 2022 a été marquée par divers soucis sur des chantiers situés à l’étranger, en Allemagne notamment, de sorte que le groupe qui a terminé l’exercice dans le rouge a nommé, après quatre générations, un premier CEO non familial. Replié sur ses bases (la Belgique et les Pays-Bas), Willemen a cédé quelques participations, redéfini ses business lines et, avec un carnet de commandes supérieur à 1,2 milliard d’euros, envisage l’avenir avec sérénité : 2023 devrait être une année de transition et 2024 celle du retour de la croissance. Fin 2022, Willemen a entamé, en partenariat avec Jan De Nul, la construction du nouveau siège de la VRT – 65.000 mètres carrés qui n’auront pas besoin d’énergie fossile – dans le Mediapark du Boulevard Reyers.
Ascensions
Thomas & Piron doit notamment sa progression à l’intégration dans ses comptes consolidés de Galère cédé en 2022 par le groupe hollandais BAM dans le cadre de son désinvestissement dans notre pays. Celui-ci s’est également traduit par la cession au groupe Stadsbader de sa filiale BAM Contractors, désormais Stadsbader Contractors, de sorte qu’en l’absence de comptes consolidés, le chiffre d’affaires global de Stadsbader peut être estimé à 600 millions d’euros.
La progression la plus spectaculaire est toutefois celle de We Connect, l’ancien Verbraeke Infra autour duquel se sont activés divers fonds d’investissement. Le Français PAI Partners en est aujourd’hui l’actionnaire principal aux côtés de son compatriote Andera et du Britannique ICG avec à la clé, une trentaine d’acquisitions depuis 2019. Parmi les plus récentes, relevons celles du groupe Soga (Verrebroek) spécialisé dans la construction et l’entretien d’infrastructures routières ainsi que celle de Visser & Smit Hanab (Gand), une filiale du groupe hollandais VolkerWessel spécialisée dans l’installation et l’entretien de canalisations.
Remarquable également est la montée en puissance du groupe APK (Pelt) qui mise beaucoup sur la fibre optique ainsi que les énergies vertes et totalisait fin 2022, quelque 150 emplois vacants à pourvoir. L’année 2022 a ainsi vu l’acquisition des sociétés hollandaises De Voogd Grijpskerke et Bos Aannemingen, de l’entreprise campinoise Dierckx, active dans la pose de conduites d’utilité publique ainsi que, dans le cadre du déroulement du réseau de fibres optiques, des sociétés anversoises LeVan et R.V.D.S. L’année suivante sont venues s’y ajouter l’entreprise de construction routière Stratica basée à Bourg-Léopold et Verstraete-Verhulst (Ingelmunster) spécialisé dans les raccordements énergétiques.
Non repris dans nos tableaux, faute de comptes disponibles, le chiffre d’affaires belge d’Eiffage peut être estimé à 1,2 milliard d’euros dans lequel le groupe Smulders intervient en consolidé pour 418 millions. Spécialisé dans la production, la fourniture et le montage de construction en acier, Smulders est fort actif dans l’éolien offshore.
Disparition
Parmi les autres faits saillants de l’exercice sous revue, relevons la disparition de Fabricom, une marque vénérable dont les origines remontent au lendemain de la guerre lorsque, redoutant une possible nationalisation du secteur, Electrobel, à l’époque l’un des plus puissants holdings électriques du pays, estima prudent de loger ses activités de construction mécanique dans une nouvelle entité. Pour son dernier exercice sous cette appellation, Fabricom a réalisé en 2022 un chiffre d’affaires d’un milliard d’euros. Fabricom était propriété du Français Engie qui, désireux de se recentrer sur ses métiers historiques, a rassemblé en 2021 ses activités multitechniques dans une nouvelle entité distincte appelée Equans. L’année suivante, cette dernière qui réalise un chiffre d’affaires de 18 milliards d’euros et occupe quelque 90.000 personnes a été cédée, moyennant 6,1 milliards d’euros au groupe Bouygues déjà présent dans notre pays via Colas Belgium. Active à Liège, cette dernière y a connu quelques déboires dans le chantier du tram (11,7 kilomètres de ligne, 23 stations) qui ont nécessité en cours d’exercice une augmentation de capital de 70 millions d’euros.
Côté innovation, Colas a construit fin de l’année dernière, aux Pays-Bas, en collaboration avec BAM, deux pistes cyclables au revêtement photovoltaïque circulable, une technologie que le groupe estime promise à un grand avenir. Dans notre pays, Alheembouw dont la maison mère Beehive ne publie pas de comptes consolidés, a réalisé en 2022 un chiffre d’affaires de 212 millions d’euros et acquis un an auparavant Steenoven, un développeur de projets nominé Trends Gazelle 2024 qui réalise actuellement à Bruges (Boevrie) le plus grand projet BEO (Borehole Energy Storage) de Flandre. Le principe en est relativement simple : enfouir via des forages verticaux jusqu’à 150 mètres, des kilomètres de canalisations dans lesquelles circule un mélange de glycol et d’eau. A grande profondeur ce mélange prend, par conduction, la température constante du sol – 10 à 12 degrés. Une pompe à chaleur veille ensuite au refroidissement des bâtiments durant l’été ainsi qu’à leur chauffage durant l’hiver.
Acquisitions
Née en 2020 de la cession par l’Irlandais de CRH de sa division distribution Europe au fonds d’investissement américain Blackstone, la discrète multinationale hollandaise BME Group multiplie les acquisitions : 32 à ce jour, dont cinq dans notre pays, les dernières en date étant le grossiste wallon en chauffage et salles de bains Induscabel ; en Flandre, Bouwpunt Van der Gucht établi à Temse et au début de cette année, Sanidel qui possède trois implantations en Wallonie : Namur, Liège et Marche-en-Famenne. En 2022, BME Group a réalisé un chiffre d’affaires consolidé de 5,46 milliards d’euros, dont 432 millions dans notre pays, essentiellement via ses filiales Sax Sanitair (Melle), Lambrechts (Gand) et Schrauwen (Herentals).
Les Irlandais restent toutefois actifs dans notre pays. Trois ans après avoir échoué dans sa tentative d’acquisition de Recticel, Kingspan a mis la main sur Derbigum, anciennement Imperbel, une entreprise familiale nonagénaire établie à Perwez. Réalisant un chiffre d’affaires de 8,3 milliards d’euros, Kingspan est également propriétaire dans notre pays, depuis 2015, du spécialiste en aciers pour la construction Joris Ide. Dans l’autre sens, Soudal a entamé l’année 2024 avec la plus grande acquisition de son histoire : celle de l’Italien Durante spécialisé dans les adhésifs pour le travail du bois, du montage et de l’emballage, ce qui devrait propulser le chiffre d’affaires du groupe pour cette même année aux environs du milliard et demi d’euros.
Cette année 2022 a également vu Belgian Scrap Terminal terminer son centième exercice social avec un chiffre d’affaires consolidé de 512 millions. Le groupe est aujourd’hui dirigé par une représentante de la quatrième génération. Le leader du secteur est toutefois Galloo qui vient de constituer avec le constructeur automobile Stellantis une coentreprise qui recyclera les véhicules hors d’usage. Fondé en 1939, Galloo compte 42 succursales établies en Belgique, en France ainsi qu’aux Pays-Bas et a réalisé en 2022 un chiffre d’affaires consolidé de 697 millions d’euros.
Le Top Construction est paru avec le Trends-Tendances du 22 février et est disponible en PDF.