Edito Top Industrie : Clair-obscur
« Il faut l’obscurité pour voir la lumière. » Cet adage est l’un de ceux que l’on se répète pour se donner du courage quand les choses vont moins bien. Pourtant, notre industrie a bien du mal à distinguer des signes d’éclaircie alors que les ténèbres persistent. Ce phénomène ne date pas d’hier et notre pays n’est pas le seul dans la tourmente. En Belgique, les annonces de réduction de la production pleuvent, le chômage technique est remplacé par des licenciements, un tsunami de restructurations devrait bientôt déferler sur nous et des chaînes d’assemblage sont définitivement mises à l’arrêt. Pour 2024, Trends Business Information relève 504 faillites dans l’industrie, contre 450 en 2023, soit une augmentation de 12%. Le nombre total d’arrêts d’activité (4.179) est de 6% inférieur à celui de 2023, mais de 5% supérieur à celui de 2022.
Tempête parfaite
Sous des cieux plus dégagés, les nouveaux venus comblent largement le vide laissé par les entreprises disparues. Mais si la population nette de notre industrie était en augmentation jusqu’en 2022, elle a reculé tant en 2023 (-331) qu’en 2024 (-499). Les cyclistes savent qu’en cas de vent contraire ou de travers, le peloton doit être assez nombreux pour rattraper le chrono. Notre traditionnel coup d’œil derrière les bilans montre clairement que, dans bon nombre d’entreprises, le baromètre financier vire au rouge pour bien trop de chiffres-clés. Et le bruit court dans les couloirs que les sociétés préparent massivement des plans de licenciement et de restructuration.
Les entrepreneurs comme les fédérations sectorielles qualifient le contexte actuel de tempête parfaite et réclament des mesures pour une bouffée d’oxygène en matière de compétitivité, en agissant sur les tarifs de l’énergie, les coûts de la main-d’œuvre, la réglementation et la politique des permis. Des comparaisons sont faites avec des pays tels que la Chine ou les USA. Il faut dire qu’au sein de l’UE aussi, c’est souvent tout le monde sur son propre pont d’abord, avant celui du navire européen.
Marcher vers le soleil
Beaucoup affirment avec espoir que l’industrie n’est pas le problème, mais la solution. Ils en veulent pour preuve que nous restons performants en matière d’innovation. Agoria avertit néanmoins que la situation n’est pas seulement mauvaise dans notre industrie manufacturière technologique, mais aussi dans le secteur de l’IT. Toutes les parties prenantes sont déjà bien conscientes que le pôle doit plus que jamais se réinventer. Les gouvernements prennent des initiatives, en dégageant des moyens pour compenser les licenciements et aider à la recherche d’un nouvel emploi ou en organisant un gigantesque Forum de l’Industrie, en indiquant « qu’il faut tourner le dos au défaitisme et, dans l’intérêt général, croire dans les opportunités en matière de logement, d’agriculture et de PME industrielles. »
L’inspiration pourrait venir de nos Trends Gazelles car parmi les entreprises en croissance qui décrochent leur nomination en ce début d’année pour les chiffres de l’exercice 2023 (précision importante), 17% sont actives dans l’industrie. Au niveau régional, la palme revient au Hainaut (28%), suivi par Liège (24%) et la Flandre occidentale (23%). Malgré la présence du port, Anvers n’occupe que la 9e place (12%). « On marche vers le soleil dans les couleurs de l’hiver », chante Calogero à propos de ce clair-obscur. La tempête est parfaite, mais puisqu’il est impossible de modifier la direction du vent, les marins apprennent à orienter leurs voiles autrement.
(Tommy Browaeys - Publisher)
Le Trends Top Industrie paraît avec le Trends-Tendances du 23/1 et est disponible en PDF.