Edito Top Construction: Peut-on encore le faire ?
La détermination et l’enthousiasme avec lesquels Bob le Bricoleur, influenceur avant la lettre, répondait toujours à la question « Peut-on le faire ? » par « Oui, on peut ! » suscitait à l’époque chez nos enfants l’irrésistible envie de saisir à leur tour gants, marteau et truelle. Peut-être faudrait-il rappeler cette mascotte ultrapopulaire et lui proposer de réorienter sa carrière comme « entrant indirect ». Car l’afflux de nouveaux travailleurs reste un défi de taille dans un secteur qui, d’après la plupart des analyses, se trouve déjà en difficulté. Pas moins de trois disciplines de la construction figurent dans le dernier Top 10 des métiers en pénurie : chef de chantier, ouvrier de voirie et métreur. Tant dans l’industrie que dans la construction, l’appel à un renforcement des orientations STEM (même dans l’enseignement primaire), de la formation en alternance et des emplois-tremplins est plus criant que jamais.
Les pouvoirs publics devraient voir tout l’intérêt de telles mesures, ne serait-ce que pour traiter d’autres problèmes tenaces. Le taux d’emploi de 80 %, par exemple, ou la problématique climatique, dont le secteur est à la fois l’une des causes et un acteur essentiel de la solution. Ainsi, selon Climat.be, le chauffage résidentiel serait à lui seul responsable de 15 % des émissions, soit plus que l’agriculture (11 %). L’urgence de prendre ce taureau climatique par les cornes s’illustre par les soubresauts toujours plus brusques de notre météo : vagues de chaleur, sécheresse, tempêtes plus violentes, longues périodes de pluie et inondations. Notre relation avec la nature ne peut pas se dégrader davantage sinon nous sombrerons les premiers. Or, il est impossible d’opérer cette transition sans la construction : aménagement du territoire, travaux d’infrastructure, constructions respectueuses de l’eau et climatiquement neutres, matériaux circulaires, rénovation économe en énergie. Avec la technologie comme pierre angulaire pour une efficacité renforcée et une empreinte écologique réduite.
De l’espoir dans les difficultés
Ces défis climatiques sont également porteurs d’une perspective de relance pour la construction, mais sans doute avec une nouvelle répartition du volume d’activité entre les divers sous-secteurs. L’activité affiche un recul global (-0,3 %) en 2023 et c’est la construction résidentielle (-7,1 %) qui souffre le plus. Une nouvelle construction devient une utopie pour de plus en plus de candidats et les rénovations sont étalées dans le temps pour que notre brique dans le ventre reste digeste. Nos statistiques montrent aussi que la construction a souffert en 2023. Nous relevons un nombre historiquement élevé de faillites (2.306), soit 5 % de plus que lors du record précédent en 2019. Le nombre total de cessations (13.196) est même 40 % plus élevé qu’avant la pandémie et dépasse de pas moins de 85 % la moyenne des 10 années pré-covid (7.162). Malgré ce douloureux uppercut et des créations en baisse (14.459 ou -7 %), le nombre d’entreprises de construction enregistre encore une croissance nette, certes beaucoup plus faible qu’auparavant.
Fort heureusement, nous dégageons aussi des nouvelles positives car 303 entrepreneurs ont maintenu un rythme suffisamment élevé pour décrocher une nomination aux Trends Gazelles en ce début d’année. Ils représentent 13 % de l’ensemble des entreprises en progression. Concernant le critère de la taille, les petites sociétés de construction sont les plus représentées dans leur catégorie avec 20 %, suivies par les PME (13 %) et les grandes entreprises (8 %). Espérons que Bob le Bricoleur et tous les autres acteurs de l’enseignement trouveront dans ces parcours de réussite l’inspiration nécessaire pour rallier les étudiants à leur cause dès la première heure de cours. Alors oui, on pourra sans doute encore le faire.
(Tommy Browaeys - Editeur)
Statistiques
Le Top Construction est paru avec le Trends-Tendances du 22 février et est disponible en PDF.