Edito Top 5.000 - Grand coup de balai
Qui aurait cru que le ramoneur ne saurait plus où assembler ses brosses pour que le poêle à bois garde un bon tirage ? Face à l’explosion des prix de l’énergie, nous cherchons le moyen de nous chauffer à moindres coûts. Le chauffage central est réduit d’un degré ou éteint, remplacé par de petits poêles à pétrole.
L’électrification du parc automobile est-elle appelée à ralentir, maintenant qu’il est plus coûteux de rouler à l’électrique qu’au diesel ou à l’essence ? Les propriétaires de voiture de société s’interrogent car leur employeur ne rembourse pas le coût réel au kWh, mais le tarif moyen parfois inférieur calculé par les régulateurs d’énergie. Les travailleurs qui se réjouissaient de voir le télétravail devenir pérenne, veulent retourner au bureau pour limiter leur consommation à domicile. Les employeurs qui cherchaient à faire revenir leurs équipes, les renvoient désormais chez elles. La question de la durabilité porte encore souvent sur le portemonnaie plutôt que sur l’environnement.
Balayer devant sa porte
Chaque euro est conservé plus longtemps en poche. Alors qu’à la fin de l’été 2021, 30% des factures d’entreprise étaient encore payées à temps, elles ne sont plus que 21% aujourd’hui. Le délai de paiement de 19% de ces factures dépasse 90 jours, contre 15% un an auparavant. Une entreprise peut en balayer une autre sous le tapis. La solidité de la chaîne commerciale est elle aussi parfois déterminée par la résistance de son maillon le plus faible.
Avec 7.027 faillites jusqu’au troisième trimestre inclus, le nombre total reste inférieur à celui de la période précédant la pandémie. Les 1.134 jugements prononcés en juin 2022 dépassaient pour la première fois le nombre total atteint le même mois les cinq années précédentes. Septembre peut être qualifié de mois normal (1.008), alors que pour le mois d'octobre, on reste juste en-dessous la barrière de 1.000 faillites. Il reste à voir dans quelle mesure le soutien des pouvoirs publics face à la crise énergétique nous donnera à nouveau un répit quelque peu artificiel.
Tempête de sable
Une tempête de sable se lève à l’horizon, avec un nombre considérable de commerçants qui jettent l’éponge, alors qu’ils avaient survécu aux années covid. Fin septembre, le nombre de cessations est déjà de 6% supérieur à celui de 2019, une tendance qui se poursuit en octobre. Par rapport à 2018, la différence atteint même 21%. Pendant les trois premiers trimestres de 2022, 92.417 entrepreneurs ont en tous cas eu le courage de lancer leur propre activité. Ils sont moins nombreux qu’en 2021, mais plus qu’avant la pandémie.
Notre pays compte plus de 1,6 million d’entreprises actives. Un record. Ce Top reprend les 5.000 plus grandes. L’analyse de leur santé financière montre un risque faible de faillite pour 64% d’entre elles et un risque acceptable pour 25%. Pour 11% des sociétés, la situation est un peu moins brillante. Trois entreprises sont confrontées à un incident grave. Elles totalisent 3.267 travailleurs, qui scrutent la cheminée dans l’espoir de voir s’élever une fumée blanche.
L’indexation automatique des salaires attendue en janvier apportera un soutien bienvenu au pouvoir d’achat des ménages. Mais pour beaucoup d’entreprises, ce sera une pilule amère de plus à avaler, qui pourrait conduire certaines dans la situation absurde de devoir balayer des emplois alors qu’elles étaient à la recherche de nouveaux collaborateurs pour se développer. Les plans de développement seront largement rabotés. On ne peut plus alimenter le foyer quand la cheminée est encrassée. La crainte domine d’un grand coup de balai dû à la récession.
Tommy Browaeys
Le Top 5.000 est joint au Trends-Tendances du 17 novembre et disponible en PDF.