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Coopératives d’habitation : opportunités et obstacles

Notre marché résidentiel classique se porte mal. L’acquisition d’un logement devient inaccessible pour une proportion croissante de la population. Et la pénurie sur le marché locatif privé pousse également les prix vers le haut. L’habitat coopératif offre-t-il une alternative intéressante ? (Laurenz Verledens)

Les coopératives d’habitation répondent à une part importante des besoins de logements en Autriche, en Suisse, au Danemark et en Allemagne, notamment. Chez nous, il existe quelques initiatives prometteuses, mais pas encore de véritable percée. Notre célèbre brique dans le ventre serait-elle en cause ? Quand le Belge peut choisir entre des actions ou un bien immobilier, il opte souvent pour l’immobilier. Ces biens bénéficient de leur réputation de refuges tandis que les actions sont souvent associées au risque. Et qu’achète le sociétaire d’une coopérative d’habitation ? Des actions !

« Ce sont toutefois des actions particulières », précise Lieve Jacobs, conseillère en entrepreneuriat coopératif chez Cera, car elles sont liées à un droit d’habitation. Chaque mois, le coopérateur paie une indemnité de logement, comparable à un loyer. Le logement coopératif est donc parfois décrit comme une formule à mi-chemin entre l’achat et la location. Il combine la sécurité de logement et la flexibilité. En tant qu’actionnaires, les résidents-coopérateurs sont également très impliqués dans la gestion de l’immeuble, et même souvent dans sa conception.

D’après Lieve Jacobs, le succès des coopératives d’habitation est lié dans une large mesure au but unique des sociétés coopératives. « Les sociétés classiques cherchent à maximaliser leur bénéfice », dit-elle. « Mais les coopératives visent à maximaliser leur objectif. Elles poursuivent des buts très divers ; il existe des coopératives dans toutes sortes de secteurs. Le but des coopératives d’habitation est généralement de procurer un logement qualitatif et abordable aux résidents-coopérateurs. » Cette approche originale crée une grande différence : elle permet en effet de se loger au prix de revient réel. « Si la coopérative visait un rendement ou un dividende, elle devrait augmenter le loyer des résidents-coopérateurs », explique Lieve Jacobs. « Mais pourquoi le ferait-elle ? »

Promoteurs efficaces

Dans la pratique, la différence entre l’indemnité de logement payée par les coopérateurs et le loyer versé par des locataires n’est pas très grande et ce, parce qu’une coopérative d’habitation opère des choix différents. Lieve Jacobs : « Personne ne peut bâtir de manière aussi rentable qu’un bon promoteur. Chaque centimètre compte pour un promoteur immobilier. En revanche, les coopératives bâtissent pour le long terme. Elles optent donc pour des techniques et des matériaux plus durables. Et les espaces peuvent aussi y être un peu plus vastes, avec une attention renforcée pour un aménagement de qualité et flexible. Les parties communes bénéficient également d’un soin plus marqué. Tout cela a un coût. À long terme, il s’agit toutefois d’un choix plus avantageux, car les frais d’entretien et d’usage seront inférieurs. » Elle évoque Zürich, l’épicentre de la coopérative d’habitation, où des résidents-coopérateurs obtiennent un logement en payant 20 à 30 % de moins qu’un locataire sur le marché privé.  

Cet écart de prix, mais aussi la priorité accordée à la durabilité, expliquent l’intérêt croissant pour la coopérative d’habitation. « Le secteur immobilier constate que le modèle d’achat classique est sous pression », dit Lieve Jacobs. « Même pour la classe moyenne, il devient peu à peu difficile d’acquérir un bien sans l’aide des parents ou des grands-parents. » Les coopératives d’habitation promettent des logements plus abordables, plus durables et plus qualitatifs, et intéressent de plus en plus des particuliers et des professionnels. Dans ce cas, pourquoi continuons-nous à acheter et louer massivement ? Les terrains (et plus précisément la spéculation foncière) sont un obstacle difficile à surmonter pour les coopératives d’habitation en Belgique, affirme-t-elle. « À Genève, les autorités locales ont fixé un prix du terrain maximum pour les zones d’extension d’habitat. Cette valeur du terrain sert de base pour calculer le canon des formules emphytéotiques utilisées par les coopératives d’habitation. En Belgique, pratiquement toutes les parcelles sont des terrains à bâtir. Pour une coopérative d’habitation, il s’agit d’un seuil financier difficile à franchir. Pour compléter leur financement, les coopérateurs doivent solliciter des investisseurs externes. Et comme ceux-ci cherchent généralement à obtenir un rendement, l’indemnité de logement mensuelle sera plus élevée. »

Un autre écueil est que nos institutions financières connaissent mal le modèle coopératif. « Quand des banquiers examinent les chiffres d’une société coopérative, avec leurs analyses et ratios financiers classiques, ils rechignent généralement à accorder un crédit », poursuit Lieve Jacobs. « En Autriche, c’est exactement l’inverse. Là-bas, les banques financent volontiers des coopératives parce qu’elles savent que ce sont des entreprises très stables, gérées avec une vision à long terme. »

Politique foncière et capitaux patients

Avec une politique foncière différente dans notre pays, le modèle coopératif pourrait avoir le vent en poupe, argumente Lieve Jacobs. « Aujourd’hui, les villes et communes vendent leurs terrains à des promoteurs immobiliers. C’est dommage car elles cèdent ainsi à d’autres l’instrument principal dont elles disposent pour renforcer les centres et aménager des quartiers agréables. Je ne dis pas que ces terrains devraient par définition être réservés à des coopératives d’habitation. D’autres projets politiques importants pourraient aussi y être menés. »

De plus, la Belgique manque de grands investisseurs sociétaux, ce qui freine l’expansion du concept, estime Lieve Jacobs. « La coopérative d’habitation génère de la croissance, mais le mouvement est lent, notamment parce que bon nombre des coopératives actuelles sont axées sur la demande : l’initiative émane de citoyens qui s’unissent pour répondre à un besoin de logement. Un gros fonds coopératif avec un capital de 500 millions d’euros, par exemple, permettrait de faire un grand bond en avant. Mais cela nécessite des capitaux patients. »   


Knokke-Heist fait œuvre de pionnière

La commune de Knokke-Heist a pris l’initiative de lancer l’une des premières coopératives d’habitation axées sur l’offre dans notre pays. Un immeuble de 47 logements, combinant maisons mitoyennes et appartements, sera construit sur un terrain situé dans le quartier résidentiel de Heulebrug. « Ce projet s’inscrit dans le cadre de nos efforts pour créer une offre de logements abordables, ce qui représente un grand défi à Knokke-Heist, affirme l’échevin du logement, Nick Wenmaekers. Par le passé, nous avons déjà proposé des terrains à bâtir abordables à de jeunes ménages à Heulebrug. L’initiative a eu du succès, mais quand ces logements reviennent sur le marché, c’est au prix fort. Avec notre coopérative d’habitation, nous voulons garantir un logement abordable à long terme. » Dans ce projet, la commune endosse surtout un rôle de régie et elle assure aussi le préfinancement. « Le terrain appartient à la commune », poursuit Nick Wenmaekers. « Nous le mettons à disposition via une formule emphytéotique, ce qui contribue également à rendre le projet plus abordable. » Quelle réaction suscite cette initiative ? « Nous sommes agréablement surpris. Sans avoir mené de campagne importante (nous avons seulement organisé deux soirées d’information), nous comptons déjà trente inscriptions. »

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