Campagne de vaccination - Une précision militaire
Si le développement ultrarapide des vaccins contre la COVID-19 a été un exploit scientifique, la logistique derrière la campagne de vaccination était pour le moins impressionnante. Deux entreprises belges se sont brillamment illustrées. (Filip Michiels)
C’est le cauchemar de tout acteur logistique : des volumes de production qui fluctuent sans cesse, un calendrier de livraison serré, des conditions de transport complexes et une dimension sécuritaire très exigeante. Et comme si cela ne suffisait pas, l’opinion publique frénétique de ces derniers mois a mis le secteur sous pression et les transports des médicaments ont été strictement réglementés dans notre pays. Les entreprises logistiques ont ainsi connu une période hors du commun, elles qui sont chargées depuis fin 2020 des distributions internationale et locale des premiers vaccins tant attendus. C’est un fait que Dirk Ramaekers, chef de la Taskforce fédérale Vaccination, ne peut que souligner. « Même si nous pouvons compter sur un excellent réseau de distribution de médicaments dans notre pays, nous nous sommes aventurés en terre inconnue pour cette campagne. En moins de six mois, nous avons dû aider à la vaccination de neuf millions de citoyens. Nous nous sommes rapidement rendu compte que les méthodes ‘classiques’ de distribution, telles que les médecins généralistes ou les hôpitaux, ne suffiraient pas, pour la bonne et simple raison que la capacité disponible était largement insuffisante. Lors de certaines semaines décisives, nous avons atteint jusqu’à 800.000 injections. »
D’autre part, certaines entreprises belges attestent d’une impressionnante expérience en ce qui concerne la logistique spécifique au secteur pharmaceutique. Ce n’est d’ailleurs pas une coïncidence si ce secteur est en plein essor depuis plusieurs années. « Parmi nos solutions logistiques, le secteur pharmaceutique prend une importance croissante depuis une quinzaine d’années », explique Linde Van Vlasselaer, Global Industry Lead Pharma pour la société de transport H.Essers. « Nous offrons aux grosses entreprises pharmaceutiques une chaîne d’approvisionnement entièrement intégrée. Nous devons ainsi répondre présents à la fois au niveau des besoins très spécifiques en matière de stockage et de conservation — notamment des vaccins – mais aussi au niveau des exigences très variées du transport ou des consignes de sécurité. Ce défi a nécessité la mise en place d’une équipe de projet distincte, et, bien que le gouvernement ne soit pas notre client, nous avons dû étroitement collaborer avec les autorités. Ne serait-ce que pour respecter certains accords très stricts conclus au niveau européen, concernant la livraison simultanée des vaccins dans tous les États membres de l’UE. »
Des dizaines de remorques
L’entreprise limbourgeoise joue encore aujourd’hui un rôle de prédilection dans le transport international de vaccins. Concrètement, ce transport consiste en l’acheminement de vaccins depuis différents sites de production vers de grands centres de distribution partout en Europe. L’entreprise H.Essers est par exemple chargée de la livraison du vaccin Pfizer, produit à Puurs. L’entreprise s’occupe également du transport des vaccins Pfizer vers les aéroports dans un certain nombre de pays non européens. En outre, H.Essers est responsable d’une partie du contrat européen concernant les autres vaccins. Linde Van Vlasselaer : « Pour des raisons de sécurité, mais aussi pour respecter les temps de conduite et de repos des transporteurs à travers l’Europe, deux chauffeurs étaient nécessaires pour chaque transport de vaccins. Dans certains pays, les camions devaient également être encadrés par les forces de police. À cela s’est ajouté le défi de livrer les premiers lots de vaccins simultanément dans tous les pays de l’UE. »
L’un des plus grands défis, en plus des délais, résidait dans l’incertitude au niveau des volumes exacts qui devraient être transportés. « Nous ne sommes pas autorisés à communiquer le chiffre exact, mais la veille de ce fameux 26 décembre 2020, des dizaines de remorques sont parties en direction de toute l’Europe. Le planning complet et la coordination opérationnelle se sont opérés depuis notre centre de contrôle à Genk. Étant donné le caractère de haute sécurité que revêt le transport de vaccins, l’itinéraire exact de chaque camion a été déterminé à l’avance. Nous pouvons suivre chaque transporteur, à tout moment, et détailler jusqu’au moindre arrêt. De plus, nous surveillons en permanence la température des chargements. Chaque vaccin requiert en effet une température de conservation différente, et donc un emballage spécifique et passif contenant de la glace carbonique. Si la température venait à varier subitement dans un chargement, empêchant de ce fait le contrôle de la température des emballages, nous sommes immédiatement en mesure de regarder ce qu’il se passe et d’intervenir. »
Une précision militaire
Pour le déploiement de la campagne au niveau national, la Taskforce Vaccination a fait appel à Medista, une entreprise relativement jeune basée à Zaventem, spécialisée dans les solutions de chaînes d’approvisionnement pour les industries pharmaceutiques. « Les exigences de température très spécifiques — surtout celles liées au vaccin Pfizer — ont représenté un défi colossal, y compris au niveau de la logistique pour la Belgique », souligne Dirk Ramaekers. « Les vaccins devaient être transportés congelés, pour ensuite être décongelés à temps et être administrés en quelques heures. De plus, ces vaccins étaient contenus dans des flacons dont il fallait prélever un certain nombre de doses. Pfizer a rapidement compris que cette logistique complexe les désavantageait par rapport à leurs concurrents, comme Astra Zeneca. Pour la campagne de vaccination nationale, la société pharmaceutique, en collaboration avec H.Essers, s’est occupée personnellement de l’acheminement vers une quarantaine de grands centres hospitaliers. Les vaccins étaient stockés dans les pharmacies des hôpitaux et décongelés à un moment bien précis. Medista entrait ensuite en scène afin d’acheminer les vaccins vers les centres de vaccination. Ce n’est qu’après un certain temps que les doses ont également été décongelées directement dans les centres de vaccination. »
Medista a ensuite livré les vaccins Moderna dans ses propres entrepôts de stockage, d’où ils partaient ensuite dans des camions réfrigérés. « Le timing était particulièrement serré : après décongélation, ce genre de vaccin doit être administré dans les six heures. Lors des transports vers les centres de vaccination, la température dans les véhicules de Medista était également contrôlée en permanence par l’AFMPS. »
Toute cette logistique ressemble à une opération militaire, et cela n’a rien d’un hasard : la Taskforce Vaccination a effectivement fait appel au génie militaire. Tout au long de la campagne, le noyau de l’équipe était composé d’un certain nombre d’officiers reconnus pour leurs compétences en distribution et en logistique. Dirk Ramaekers explique : « Leur expérience s’est révélée incroyablement utile. Ils ont également participé à la préparation, à l’appel d’offres ainsi qu’à la coordination en général. Nous avons bien sûr dû résoudre quelques petits problèmes et effectuer des ajustements ici et là, mais l’expérience et le vaste réseau dont nous disposions déjà en Belgique concernant les médicaments nous ont incontestablement aidés. Un exemple bien connu est celui des seringues spécifiques dont nous avions besoin pour éviter le gaspillage lors du prélèvement de doses. Les seringues classiques ne sont pas assez précises, et nous avons dû lancer un appel d’offres pour des seringues ‘à volume mort nul’. Nous y sommes parvenus, avec l’aide de plusieurs acheteurs gouvernementaux très expérimentés. Pendant ce temps, le monde entier était à la recherche de ce genre de seringues. »
Cet article est paru dans le Top Transport, qui est disponible en PDF.
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