Brexit : 1 an plus tard - Alternance entre soulagement et incertitude
Il y a un peu moins de deux ans, le Royaume-Uni quittait l’UE et le 1er janvier 2021, le nouvel accord de commerce et de coopération entre l’UE et le R-U entrait officiellement en vigueur. Un an plus tard, la plupart de nos entreprises semblent avoir bien digéré le Brexit, mais la menace d’une guerre commerciale imminente entre le R-U et l’UE reste présente aujourd’hui encore. (Filip Michiels)
Ces dernières semaines, alors que les récriminations et menaces réciproques volaient à nouveau abondamment au-dessus de la Manche, c’est surtout le protocole sur l’Irlande du Nord qui était en ligne de mire. Cet accord règle notamment les contrôles entre l’Irlande du Nord et le reste du R-U. L’encre du protocole n’était toutefois pas encore sèche que la Commission européenne accusait déjà les Britanniques de violer l’accord. L’année dernière, au terme de négociations houleuses, le R-U et l’UE étaient parvenus à s’accorder sur des contrôles douaniers dans les ports nord-irlandais afin d’éviter une frontière « physique » entre la République d’Irlande et l’Irlande du Nord.
Récemment, alors que quelques manifestations violentes avaient déjà éclaté en Irlande du Nord en 2021 (la partie pro-britannique de la population se sent trop coupée de la patrie britannique), le ministre britannique des Affaires européennes et négociateur du Brexit David Frost a décidé de trancher dans le vif. Selon lui, les contrôles entravent le commerce et les Britanniques ont donc exigé leur réduction. L’UE a fini par accepter, mais la question montre clairement qu’une guerre commerciale autour de l’Irlande du Nord n’est pas du tout exclue. En effet, la possibilité d’imposer des sanctions (et donc à terme, d’un conflit commercial qui s’emballe) figure implicitement dans l’accord sur le Brexit. Le non-respect d’un seul point de l’accord peut entraîner la suspension de toutes les autres obligations qui en découlent. Et les restrictions commerciales ou les taxes à l’importation se révèlent alors souvent une arme privilégiée pour riposter à l’adversaire.
Gilles Suply, conseiller en Affaires européennes & Entrepreneuriat international au Voka, ne s’attend toutefois pas à ce que la situation se dégrade à ce point. « La plus grande erreur que nous pourrions commettre aujourd’hui serait de considérer toute la problématique du Brexit comme une histoire définitivement réglée », prévient-il. « Le risque que l’ensemble du traité puisse encore être remis en question à cause de ce protocole nord-irlandais me paraît assez faible, mais nous devons rester vigilants. Les rayons vides de nombreux magasins britanniques et les gros problèmes rencontrés dans le secteur des transports ont sans doute amené les Britanniques à réfléchir. Ils sont tout à fait conscients que l’explosion de l’accord de commerce entre l’UE et le R-U pourrait dégénérer en une guerre des tarifs beaucoup plus vaste. Je crois donc que nous assistons surtout aujourd’hui à une sorte de poker politique. »
Plus cher
En avril déjà, le Voka a mené un sondage parmi ses membres actifs au R-U afin de mesurer l’impact du Brexit. Il en est ressorti que leurs activités britanniques leur coûtaient en moyenne 4,8 pour cent de plus. Pour cette année également, ils s’attendaient à une perte de chiffre de d’affaires de 2,2 pour cent au R-U. « Ce n’est évidemment qu’une première indication, mais le fil rouge est tout de même que le R-U est devenu un peu plus cher pour nos entreprises flamandes », indique Suply. « Selon le secteur d’activité et le degré de concurrence qu’y rencontrent nos entreprises, ce surcoût sera répercuté sur le consommateur ou devra plutôt être supporté par l’entreprise elle-même. » Actuellement, les secteurs qui semblent souffrir le plus sont (sans grande surprise) l’industrie alimentaire et le textile. Pour les entreprises alimentaires, l’importance des livraisons just in time, que les contrôles supplémentaires compliquent davantage, joue un grand rôle. Les sociétés textiles quant à elles se heurtent à des concurrents britanniques et le prix est alors le facteur qui prédomine.
« Au cours de l’année écoulée, nous avons également constaté que nos entreprises et nos ports s’étaient très bien préparés », poursuit-il. « Contrairement aux attentes qui étaient globalement très négatives. Aujourd’hui, nous avons aussi le sentiment que la plupart des sociétés savent parfaitement comment elles doivent aborder la nouvelle situation. Nous ne sommes plus submergés de questions, comme c’était le cas il y a un an. » Il en va tout autrement de l’autre côté de la Manche, selon Suply, où les contrôles douaniers n’ont rien d’une sinécure et où le slogan du Brexit « taking back control » est donc encore très loin de se vérifier. « Par la force des choses, les Britanniques ont décidé ces derniers mois d’amplifier leurs contrôles de manière progressive, mais le plan ne se déroule pas vraiment comme sur des roulettes. Les contrôles dits phytosanitaires, par exemple, devaient être déployés à partir d’avril. Cela n’a pas été le cas et le mois d’octobre est devenu la nouvelle échéance, mais cette date n’a pas non plus été respectée. De ce fait, le nombre de produits contrôlés à leur entrée au R-U est aujourd’hui beaucoup moins important qu’avant le Brexit. Tout porte donc à croire qu’ils ont gravement sous-estimé cet aspect de la nouvelle donne. » L’impact de ce problème sur les entreprises belges est double : à court terme, les contrôles moins rigoureux et les délais d’attente plus courts dans les ports britanniques sont plutôt avantageux, mais à plus long terme, une grande incertitude continue évidemment de planer sur les entreprises, qui se trouvent dans l’incapacité de se préparer pour l’avenir.
Cet article est paru dans le Top Industrie, qui est disponible en PDF.
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