Autorisation définitive des éco-combis ?
En 2024, 75 éco-combis flamands et 15 éco-combis wallons (camions d’une longueur de 18,75 à 25,25 mètres et d’un poids de 44 à 60 tonnes) ont circulé sur les autoroutes belges. Mais ils pourraient bientôt être bien plus nombreux. Le gouvernement flamand espère inscrire l’autorisation de ces véhicules plus longs et plus lourds (VLL ou éco-combis) dans la législation au plus tard le 30 juin 2026. La Wallonie ne tardera sans doute pas à faire de même. (Wout Ectors)
Ces dix dernières années, les éco-combis s’inscrivaient dans des projets pilotes rigoureusement réglementés. Les transporteurs qui envisageaient un trajet par VLL avaient la possibilité de demander un permis. Ces premiers cas concrets ont offert aux décideurs politiques une base solide pour cartographier les effets concrets de l’utilisation de ces éco-combis.
Il est rapidement apparu que les avantages des VLL sont légion. Puisqu’ils sont capables de transporter plus de marchandises et de réduire ainsi le nombre de camions sur la route, ils constituent une solution partielle à la fois au problème de mobilité et au problème climatique. Raison pour laquelle la ministre flamande de la Mobilité, Annick De Ridder, a dit son ambition de les autoriser plus largement au plus tard à partir du 30 juin 2026, date à laquelle s’achèvera le dernier projet pilote. La probabilité est grande que la Wallonie lui emboîte le pas rapidement.
Précisons que les règles strictes entourant les projets pilotes (en termes de trajets, de véhicules, de chargements et de chauffeurs) ne disparaîtront pas. Ainsi, les VLL, qui existent dans 4 combinaisons de véhicules, ne circuleront jamais dans les centres-villes, aux intersections difficiles ou sur des routes empruntées par un grand nombre d’usagers faibles.
Durabilité
Quand on a commencé à parler des VLL il y a quelques années, il restait de gros points d’interrogation en matière de durabilité. Ces véhicules n’entraveraient-ils pas la transition vers des modes de transport durables ? Les projets pilotes réussis et les avantages écologiques avérés (BE-Trans a constaté une baisse des émissions jusqu’à 40% sur la base des mesures) ont désormais complètement inversé la tendance. Aujourd’hui, même des organismes comme Bond Beter Leefmilieu sont favorables à l’inscription dans la législation de l’utilisation de ces éco-combis.
Le bénéfice durable est l’un des objectifs qui a poussé Ninatrans à devenir le premier transporteur belge à investir dans un VLL en 2015. « Disposer de 50% de charge utile en plus par transport contribue énormément à réduire notre empreinte écologique », affirme son CEO, Benny Smets. « Nous avons d’emblée eu la conviction que ce type de formules correspondait parfaitement à nos investissements dans les nouvelles technologies de propulsion. »
Plus d’atouts que d’obstacles
« Un imbroglio administratif », dit Benny Smets au sujet du processus d’autorisation des projets pilotes. « Surtout parce qu’il faut déclarer chaque véhicule séparément pour la Flandre, la Wallonie et les Pays-Bas. » En Europe actuellement, l’utilisation des VLL se résume à une poignée d’accords bilatéraux et aucune réglementation uniforme ne semble se profiler à l’horizon. C’est un obstacle important, selon lui. « Puisque les avantages des VLL ne s’expriment pleinement que lors de trajets plus longs, je crois que refuser de les internationaliser via l’Union européenne est une occasion manquée. » Il reste néanmoins aussi beaucoup à faire en Belgique, comme en témoignent les différences entre la Flandre et la Wallonie, mais aussi le fait qu’une partie du ring est interdite aux éco-combis. En effet, une poignée de kilomètres dépendent de la compétence de la Région de Bruxelles-Capitale, qui est totalement fermée à cette innovation. Cela complique les trajets nord-sud et cela nuit à l’efficacité de tels transports.
Un second obstacle concerne l’infrastructure. « L’infrastructure routière ne présente aucune entrave, mais l’infrastructure pour le chargement et le déchargement exige parfois quelques aménagements. Par exemple, les entreprises doivent avoir suffisamment d’espace sur leur terrain pour le cercle de braquage plus large d’un VLL. » Ces obstacles sont toutefois faciles à surmonter, selon Benny Smets. Il voit surtout les nombreux avantages des éco-combis. « Il n’y a pas que le bénéfice écologique. Les VLL contribuent aussi à résoudre l’encombrement sur les routes et la pénurie de chauffeurs. Les chauffeurs se sentent d’ailleurs privilégiés de pouvoir circuler avec un tel véhicule. »
Signaux positifs en Wallonie
Nous avons recueilli le même avis chez Van Mieghem Logistics, le premier transporteur wallon avec VLL depuis 2017, et qui en envoie 2 par jour aux Pays-Bas. Son Fleet manager, Laurent Van Mieghem, se souvient avec satisfaction des premières phases de la période d’essai : « Nos chauffeurs n’ont pas rapporté le moindre problème ». Il espère que la Wallonie suivra bientôt l’exemple flamand. « Il est grand temps de prendre une décision. Ne pas aller plus loin avec les éco-combis marquerait un grand pas en arrière. » À cet égard, on peut donc se réjouir que le ministre wallon de la Mobilité, François Desquesnes, ait prolongé la période d’essai en Wallonie jusqu’à la même date, le 30 juin 2026, et se montre au moins ouvert à une utilisation plus étendue par la suite. En 2024, la Wallonie comptait 15 VLL répartis dans 8 sociétés de transport.
Il est également clair pour Laurent Van Mieghem qu’un peu plus d’harmonisation européenne et certainement d’harmonisation belge seraient les bienvenues. « Le frein le plus important réside dans l’obtention des permis en Flandre, avec un processus beaucoup plus complexe qu’en Wallonie. De plus, il est regrettable que Bruxelles ne suive pas le mouvement et crée cette situation absurde sur le ring. Et qu’un pays comme la France se retire. » Il demande aussi d’accorder l’attention nécessaire aux routes secondaires. « Il serait logique que des VLL puissent aussi emprunter un détour quand la police ferme une portion de l’autoroute après un accident. Il faut éviter de retarder un chauffeur pendant des heures. »
Super-combis
Dans le secteur, il ne fait aucun doute que le 30 juin 2026 est un objectif réaliste. Cela pourrait même être plus tôt. « Je ne vois aucun obstacle », dit Benny Smets. « Les tests se sont bien déroulés et les règles sont claires pour tout le monde. Nous avons d’ailleurs déjà passé une nouvelle commande. » Benny Smets et Ninatrans voient même déjà plus loin. « À plus long terme, nous espérons utiliser des camions tracteurs durables pour ces semi-remorques et obtenir ainsi un double avantage écologique. De plus, nous rêvons d’un super-combi : deux semi-remorques complets tractés par un seul véhicule, et donc non pas 50% mais 100% de capacité en plus. Avec les limitations nécessaires et seulement sur des axes autoroutiers spécifiques, bien sûr. »